Les premiers timbres de la Réunion + l'avenir des timbres en francs en question
Newsletter de la maison Calves #63
C’est avec un grand plaisir que nous vous retrouvons pour cette rentrée philatélique. Après la pause estivale, la maison Calves reprend son cycle de newsletters hebdomadaires, fidèles à sa vocation : partager avec vous l’histoire et la passion des timbres. Pour ce premier numéro de la saison, nous ouvrons le bal avec les tous premiers timbres de la Réunion. Ces émissions fondatrices comptent parmi les vedettes incontestées de la philatélie des colonies françaises.
Autre rendez-vous attendu : notre vente flash de rentrée, qui sera mise en ligne le 11 septembre prochain, et dans laquelle sera proposée une sélection de timbres à prix exceptionnels. D’ici là, n’hésitez pas à parcourir la rubrique Sélection de l’expert de notre site. Nous l’avons actualisée avec, comme d’habitude, des timbres rares et/ou choisis avec soin pour leur qualité.
Enfin - et c’est un point sur lequel nous attirons particulièrement votre attention - La Poste a comme souvent profité de l’été pour faire passer discrètement de nouvelles mesures. Augmentations tarifaires, certes, mais aussi et surtout une modification préoccupante des règles d’utilisation des timbres-poste sur les lettres. Une évolution qui pourrait annoncer, à terme, une limitation de leur usage. Nous tenons à vous en informer, ainsi qu’à recueillir votre avis sur ce sujet sensible, à la fin de cette newsletter.
Bonne lecture, et à très bientôt pour nos prochains rendez-vous !
Timbres Magazine nous lit, et vous ?
Notre article publié avant les vacances, consacré à la vraie valeur des timbres Europa, a suscité de nombreuses réactions. Parmi elles, celle d’Aristote - les lecteurs fidèles de Timbres Magazine auront reconnu le pseudonyme qui signe les billets d’humeur du magazine. Dans le numéro de septembre actuellement en kiosque, Aristote écrit que, « parmi mes lectures favorites, celle des newsletters de la maison Calves n’est pas des moindres », dit apprécier notre démarche consistant à parler sans langue de bois de la réalité du marché, et confie attendre avec impatience nos prochains numéros.
Nous ne pouvons que le remercier chaleureusement - et vous annoncer qu’effectivement, un nouvel article sur cette thématique paraîtra avant la fin du mois. Cette fois-ci, il portera sur la vraie valeur des timbres de l’Émission de Bordeaux, l’une des séries les plus emblématiques de la philatélie française. Profitons-en pour rappeler que nous sommes, de notre côté, des lecteurs assidus de Timbres Magazine. En cette rentrée, si vous ne l’êtes pas encore, nous vous encourageons à vous abonner. Chaque mois, Timbres Magazine offre un rendez-vous riche en découvertes et en analyses, indispensable pour quiconque s’intéresse au monde des timbres.
Lire l’article de Timbres Magazine (format pdf)
Nouveau dans notre sélection de l’expert :
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Réunion, 1852 : quand une petite île entre dans la légende philatélique
Peu de collectionneurs le savent : c’est à la Réunion qu’ont vu le jour les tout premiers timbres émis par une colonie française, en 1852, soit seulement trois ans après les premiers timbres de France. Ce moment fondateur de la philatélie coloniale a été raconté avec érudition par Charles Vaule dans une étude parue en 1960 dans les Études philatéliques. Nous avons choisi de le republier ici afin de partager avec vous ce récit passionnant. Bonne lecture !
‘L'ancienne île Bourbon, devenue l’île de la Réunion, fut le premier territoire Français d'outre-mer à émettre ses propres timbres, puisque c'est en 1852, trois ans seulement après la métropole, que sortirent les 15c et 30c. Notons un fait exceptionnel : cette première émission d'une colonie ne fut pas obtenue par surcharge sur des timbres français ou Colonies générales, mais bien par impression complète de deux timbres, à deux types différents, spéciaux, pour la Réunion. C'est probablement là une des raisons qui ont motivé l'engouement qu'ont toujours manifesté les grands collectionneurs pour cette émission.
Une circulaire ministérielle du 13 Juin 1851 avait ordonné l'envoi à la Réunion, tout comme à la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et les cinq villes de l'Inde, d'un stock de timbres de l'émission de 1849. Il fut envoyé ainsi 2.500 exemplaires du 10c N°1, 3.500 exemplaires du 25c N°4, et 6.000 exemplaires du 1Fr N° 6. En réalité ces quantités furent un peu augmentées par une partie du stock livré primitivement aux cinq villes de l'Inde, où ces timbres avaient peu d'emploi par suite de la concurrence des postes britanniques.
Les bureaux de la Réunion ne disposaient donc, fin 1851, que de trois valeurs d'affranchissement, 10c, 25c, et 1Fr, représentés par les timbres de France au type Cérès. C'était la une gamme peu en rapport avec les tarifs d'affranchissement valables à l'époque dans l’île de la Réunion. Ce tarif était de 30c pour une lettre du premier échelon de poids (7 gr 1/2) circulant à l'intérieur de l'île. Pour les lettres sortant de la Réunion, à destination de la France ou d'ailleurs, outre un affranchissement variable selon la voie employée (Française ou Anglaise), une taxe locale de 15c était due, pour la taxe jusqu'au port d'embarquement. Ainsi, des timbres à 15c et 30c étaient indispensables, mais manquaient dans l'approvisionnement reçu de France. C'est pourquoi le gouverneur décida la création de deux nouveaux timbres par un arrêté officialisant autant pour l'avenir que pour le présent les 15 et 30c spécialement affectés à l'île. (…)

Ces timbres sont non dentelés et tirés en typographie. Ils représentent une accumulation d'ornements tels qu'on en trouvait dans les cases des imprimeurs du milieu du XIX siècle, avec comme seules inscriptions «Ile de la Réunion» en haut, et en bas « Timb.-Poste » et la valeur 15c ou 30c. Ils ont été tirés tous deux sur le même papier, bleuté, mince, que certains qualifient de glacé, ce qui est à notre avis excessif, ce papier étant légèrement satiné. Chaque valeur comportant quatre types différents. (…) Comme jusqu'à ce jour on n'a jamais trouvé de blocs, ou même de paires de ces timbres, il semble assez difficile de préciser quelle était la disposition des quatre types dans la forme typographique. (…)

A noter, ce qui est très important, que normalement, au départ, les timbres n'étaient pas oblitérés avec un cachet à date, ou avec le cachet losange muet de 64 points, aussi en usage à la Réunion, mais bien oblitérés à la main, de traits de plume. C'est l'oblitération normale des N°1 et 2 de la Réunion. Profitons-en pour dire de suite que ces oblitération traits de plume sont extrêmement variées, puis qu’elles sont le fait du comportement manuel de postiers différents : certaines sont légères, d'autres très lourdes avec de nombreux traits qui forment une véritable grille sur le timbre. (…) Il arrivait aussi que les postiers du bureau de départ oubliaient d'oblitérer les timbres et on a rencontré des pièces sur lettre sans aucune oblitération. (…)

Notons un fait curieux : on ne connaît pas de lettre interne à la colonie, affranchie avec deux 15c aux lieu et place du timbre de 30c. Enfin, examinons les oblitérations exceptionnelles. Nous avons vu que l'oblitération normale, la plus répandue et de loin, consistait en traits de plume. Parfois, il n'y avait pas d'oblitération au départ et certains neufs ne sont en fait que des « oubliés d'oblitérer ». Mais, à destination, des postiers soucieux des intérêts du Trésor oblitéraient parfois ces timbres qui ne l'avaient pas été au départ. A St-Denis, on apposait le losange muet de 64 points moyens, apposé soit en noir ou en bleu (collection Ferrari), soit en rouge, et même en bleu et rouge par deux cachets superposés (collection roi Farouk d'Egypte). Pour les lettres affranchies avec ces timbres Réunion 15c et 30c, et qui arrivaient en France sans avoir été oblitérées, c'était le bureau d'entrée en France qui se chargeait de l'oblitération. (…)
Les N° 1 et 2 de Réunion furent émis sans gomme. Ceci a fait émettre pas mal de suppositions sur les moyens utilisés pour les fixer sur les correspondances. On a dit que ces deux timbres étaient fixés aux correspondances par de la cire à cacheter, d'utilisation habituelle à l'époque pour clore les plis expédiés sans enveloppe. Ce moyen a, en effet, été utilisé. Mais de l'examen de pièces sur lettres ou fragments, il ressort que les utilisateurs réunionnais faisaient ce qui est logique et habituel en pareil cas : ils collaient leurs timbres avec... de la colle. Il en fut utilisé deux qualités. Une colle à base de poisson et une autre dite « gomme arabique ». Quoi qu'il en soit, ces collages divers n'ont pas été faits pour assurer la conservation des timbres. Il en est de même des oblitérations faites à la plume, qui percèrent parfois le papier. (…)
Il est normal de s'interroger sur les chiffres de tirage ou le nombre d'exemplaires existant de ces deux timbres. Malheureusement, comme pour toutes les grandes raretés mondiales (« Missionnaires d'Hawaï, Guyane Anglaise, Bermudes ou « Post-Office » de Maurice), il est impossible de donner des chiffres exacts. Le tirage fut de 7.500 exemplaires pour chaque valeur, chiffre relativement important et qui explique les différences d'encrage qu'on observe, mais - et ce mais est de taille - après le retrait, le 1er janvier 1860, les exemplaires invendus furent incinérés. On ne doit donc s'attacher qu'au nombre d'exemplaires vendus. Il fut très faible, l'emploi de ces timbres, peu pratiques parce que non gommés, étant très réduit, et le bureau de St- Denis, capitale et port de l'île, qui renfermait la quasi totalité des maisons de commerce, ne vendit que pour 8 Frs (oui, huit francs) de ces timbres !
Les catalogues cotent les réimpressions de ces timbres. En réalité il fut fait de nombreux tirages de réimpressions. Seul le premier tirage a un certain intérêt philatélique. Il fut exécuté en 1866, six ans seulement après le retrait des originaux, au profit du marchand Moens. La planche ayant subi divers dégâts dus à l'humidité, on dut l'amputer des types I des 15c et 30c. De plus on remania la réimpression du type II du 30c, de telle sorte que le type II 30c réimpression correspond à un type qui n'a jamais existé en original. Mais, fait plus important, les cadres extérieurs, gras, étant abîmés, on les refit, mais au lieu de deux filets accolés, pour faire un trait épais, on ne prit qu'un seul filet, de telle sorte que les réimpressions ont des cadres maigres, formés d'un seul filet et que, sur chaque côté, leurs dimensions sont inférieures à celles des originaux, cette différence correspondant à la moindre épaisseur du cadre. L'impression est moins bien venue (manques, cassures des ornements, etc.) et le papier, très différent, n'est pas satiné.

Quatre réimpressions furent encore faites jusqu'en 1890, mais elles relèvent plutôt de l'imitation grossière. Ces tirages ont les mêmes caractéristiques que le tirage de 1866 (cadre, papier, etc.) mais en aggravant encore les différences avec les originaux. (…) Elles ne doivent inspirer aucune crainte.
Charles Vaule”
Nouveau dans notre sélection de l’expert :
Taxe n°24 - 5 f. noir - oblitéré - TB - signé et avec certificat papier Calves - 495 euros
La Poste veut-elle en finir avec les timbres en francs ?
Chaque été, La Poste profite de la torpeur estivale pour faire passer des mesures impopulaires. 2025 n’échappe pas à la règle. La hausse des tarifs, déjà annoncée pour janvier prochain, frappera une nouvelle fois les usagers : +7,4 % en moyenne, avec un timbre vert porté à 1,52 € (contre 1,39 € aujourd’hui). Une progression quasi continue depuis dix ans, qui a vu le tarif de base presque doubler.
Mais cette augmentation, aussi spectaculaire soit-elle, n’est peut-être pas la nouvelle la plus lourde de conséquences. Plus discrète, une circulaire publiée cet été impose désormais que l’affranchissement soit obligatoirement apposé sur le recto, en haut à droite, au-dessus du pavé adresse et sur une seule ligne, afin d’être lu de façon automatisée.
Sur le papier, cela semble anodin. En pratique, c’est une petite révolution : cette disposition rendra très difficile l’utilisation massive des timbres en francs, encore valables mais de faible faciale. Jusqu’ici, pour atteindre le tarif adéquat, les collectionneurs et amateurs de belles lettres n’hésitaient pas à « tapisser » leurs enveloppes de timbres anciens, recouvrant recto (et parfois) verso. C’était une manière de faire revivre un patrimoine et (surtout) une stratégie pour écouler ces stocks.
Désormais, si cette règle est strictement appliquée, ce sera quasiment impossible. Et la conséquence pourrait être immédiate : une perte de valeur pour les timbres en francs, rendus difficilement utilisables pour l’affranchissement. Difficile de ne pas y voir un premier pas vers une restriction plus large, voire une interdiction de leur emploi.

Reste une question centrale : cette réglementation sera-t-elle vraiment appliquée dans les bureaux de poste et par les centres de tri ? Si oui, c’est toute une pratique - et un pan du marché - qui s’en trouvera bouleversé.
Avez-vous, de votre côté, déjà été confrontés à cette nouvelle exigence ? Vos témoignages nous permettront de mesurer l’ampleur réelle du changement. Merci de nous en faire part : nous relaierons l’information dans une prochaine newsletter.
Pour aller plus loin :
La circulaire de la poste du 1er juillet 2025 (au format pdf). L’article qui nous concerne est le 4.7.1.
L’article de Pierre Jullien, qui revient dans Le Monde sur l’augmentation des tarifs postaux : Tarifs postaux en 2006 : toujours plus hauts
Nouveau dans notre sélection de l’expert :
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Merci beaucoup pour vos articles illustrés et documentés qui animent si bien nos réunions philatéliques
Bonjour,
Article très intéressant sur les premiers timbres de la Réunion. Merci beaucoup.
Quant à la nouvelle version des Conditions Générales de Ventes , je me permettrai de dire que celui ou celle qui l'a écrite, n'a jamais collectionné un timbre de sa vie. C'est bien dommage. Il faut que la Poste arrête tout de suite d'émettre des blocs feuillet ou autres émissions de ce genre car avec ces CGV, ils perdent tout pouvoir d'affranchissement puisqu'ils ne sont pas sur une ligne !!!
Quand la bêtise dirige le Monde.
Cordialement
Gilles
PS : Après mon commentaire lors de la précédente newsletter, vous m'aviez demandé de vous envoyer mon oblitération grille sur n°15 (25c Empire non dentelé). Mais je n'ai pas l'adresse email où envoyer ce scan.