L'épopée des messagers clandestins pendant le Siège de Paris
Newsletter de la maison Calves #37
Il n’existe pas de meilleur moyen de parfaire sa culture philatélique qu’en se plongeant dans la lecture de la presse et des publications anciennes, dans lesquelles se trouvent quantité d’informations précieuses et érudites.
C’est la raison pour laquelle nous republions dans nos newsletters une pépite issue de la littérature. L’article de la semaine dernière vous dévoilait une escroquerie incroyable survenue pendant le Siège de Paris : une agence, la Correspondance Générale, était à tromper les Parisiens assiégés en leur faisant croire qu’elle pourrait leur permettre d’échanger des lettres avec leurs proches en province, en traversant les lignes prussiennes. Cette semaine, nous vous invitons à découvrir l’épopée des véritables messagers qui, au péril de leur vie, réussirent à faire passer des lettres de Paris à la province, défiant ainsi le blocus prussien.
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L'épopée des messagers ayant défié les Prussiens pendant le Siège de Paris
On appelait “passeurs” ces messagers audacieux qui, au péril de leur vie, tentaient de franchir les lignes ennemies pendant le siège de Paris. Les noms de certains nous sont parvenus, tels que Grimbert, Droco, Barthe. D'autres, cependant, restent dans l'anonymat, et parmi eux, plusieurs ont payé de leur vie leur engagement. Les lettres et courriers issus de ces missions périlleuses constituent un chapitre fascinant – et encore largement méconnu – de l’histoire postale de la guerre de 1870. Dans l'Echo de la Timbrologie du 30 avril 1935, Stéphane Strowski nous invite à redécouvrir cette histoire captivante, au travers des cas des postiers de Triel et du passeur Pelvillain. Bonne lecture !
Si la Correspondance Générale n'était qu'une affaire de resquille, il y eut d'autres initiatives qui firent preuve de plus de conscience. Et, chose piquante, ce sont justement les recherches, menées par les lecteurs de l'Echo au sujet de cette Correspondance Générale, qui ont permis d'en exhumer au moins deux d'un injuste oubli.
La première, sur laquelle malheureusement les détails manquent, avait pour base le bureau de poste de Triel, dans la Seine-et-Oise. C'est encore la correspondance par ballon-monté des grands-parents de M. Doyen qui va nous dire le peu que nous en savons. Le grand-père écrit de Paris à sa femme, à la date du 8 octobre, que la veille, 7 octobre, il a eu en mains une lettre, parvenue dans Paris assiégé par l'intermédiaire du bureau de Triel. Elle était datée du premier et portait le timbre de départ de ce bureau. Il s'agissait donc d'une audacieuse initiative des postiers de Triel ; assez voisin des lignes d'investissement, ce bureau était resté en effet en dehors des points occupés. On sait que le 30 septembre, deux facteurs parisiens, MM. Loyet et Chourier, réussirent à passer de Paris à Triel et à y transporter quelques plis. Qui sait s'ils n'ont pas fait le même chemin en sens inverse et rapporté à Paris des lettres, déposées au bureau de Triel ? En tous cas, un émissaire de Triel en a fait entrer dans Paris ; c'est sans doute à lui que M. Brunel fait allusion lorsqu'il parle de ces courriers traversant pédestrement les lignes ennemies. « Quelques hommes audacieux tentèrent cet exploit, dit-il, peu y parvinrent »1.
Ce ne fut d'ailleurs qu'une réussite de courte durée. Vers le milieu de ce mois d'octobre, par cette voie-là non plus, rien ne réussissait à passer. M. G... avait conseillé en effet à sa femme de tenter elle aussi ce moyen pour lui faire parvenir de ses nouvelles : écrire au receveur du bureau de Triel, en le chargeant d'expédier à Paris un pli affranchi pour son mari. Elle n'y manqua point. Sa lettre est datée du 17 octobre ; elle arriva bien à Triel : mais là se produisit un premier arrêt, car c’est seulement le 30 octobre, treize jours après, qu'elle reçut le cachet de départ de Triel. Mais il n'y avait plus de facteurs pour traverser les lignes prussiennes. La lettre de Mme G... fit une pause encore plus longue ; c'est seulement le 6 février 1871, qu'elle arriva à Paris, huit jours après la conclusion de l'armistice. C'était d'ailleurs presqu'un record de rapidité, surtout si on le compare au temps des lettres centralisées à Tours et acheminées par Lille2.
Nous avons un peu plus de détails sur une autre de ces entreprises héroïques, pour faire pénétrer des nouvelles de la province dans Paris investi. C'est à Rouen qu'elle avait sa base. C'est encore à un fidèle lecteur de l'Echo que je dois communication de ces renseignements, que je crois inédits. Le colonel Furault de Ligny a bien voulu en effet, non seulement m'analyser les documents qui la mentionnent, mais encore me les communiquer. Leur authenticité est indiscutable : ce sont des lettres écrites par sa grand'mère, sa mère et par lui-même - il était bien petit à cette époque et on lui tenait la main - à un oncle qui faisait partie, en qualité de lieutenant de Mobiles, de l'armée enfermée dans Paris. Cet oncle est d'ailleurs encore en vie ; sa mémoire est intacte, il se rappelle très bien cette correspondance ; il a pris autrefois le soin de la classer, de la monter sur onglets et de dater les arrivées. C'est lui-même qui l'a remise à son neveu, le colonel de Ligny.
Toutes ces lettres sont parties de Rouen, pendant le Siège de Paris et à destination de Paris. (…) Au total, pendant la durée du blocus postal de Paris, c'est-à-dire du 18 septembre à fin Janvier, l'oncle du colonel de Ligny, cantonné dans la banlieue immédiate de Paris, a reçu quatre fois des nouvelles de sa famille, restée à Rouen. Une fois par pigeon, c'était sans doute la voie officielle et normale ; mais, pour les trois autres, il s'agit de voies mystérieuses que l'on n'arrivera jamais à éclaircir complètement.
Ce qui est certain, c'est que l'affaire a été montée à Paris : le hardi messager est parti de Paris. En effet, une lettre qu'il a expédiée, par ballon, à sa mère, le 10 octobre, le lieutenant M.... écrit textuellement : « Un homme courageux se charge de porter de nos nouvelles à nos chères familles et de nous faire parvenir les réponses. J'apprends que le lieu de sa station à Rouen se trouve quai du Havre, No2, chez M. Pelvillain. Donne-moi enfin signe de vie. Envoie la réponse par M. Pelvillain, qui te donnera tous les renseignements, etc... ». L'affaire ne fut pas ébruitée par la presse, comme pour la Correspondance Générale ; peut-être ne fut-elle connue que des seuls mobiles et des soldats de la Seine-Inférieure. C'est pourquoi elle réussit.
Sitôt en possession de cette lettre, sans même laisser passer un seul jour, la mère et la sœur de l'officier normand lui répondent, le 22 octobre, par la voie qu'il vient de leur
révéler. Elles remplissent trois feuillets de papier pelure ; c'est tout juste si elles laissent la place pour l'adresse. « Avec quelle joie, commence sa mère, nous avons appris
que nous pouvions t'écrire ; aussi le faisons-nous de grand cœur ! » Suit la mention d'autres tentatives antérieures, mais qui n'avaient pas réussi. Celle-ci devait être plus heureuse, grâce à l'intermédiaire de M. Pelvillain.
(…) Cette double épître n'est parvenue à destination que le 15 décembre, sept semaines après avoir été écrite. Le pli a traîné longtemps dans une poche ou une doublure ; il est fatigué, fané, usé aux bords et percé aux angles... A tout hasard, on y avait collé un timbre-poste, pour le cas où il faudrait le déposer dans un bureau de poste. C’est un 20 c. Empire lauré ; il n'a pas été oblitéré. L'adresse désigne nettement le nom, la qualité et le grade du destinataire ; elle mentionne expressément Paris et donne son domicile, la rue du Sentier. Par quel prodige de ruse et d'héroïsme est-il arrivé à destination, c'est ce que nous ne saurons vraisemblablement jamais.
Il est probable que le messager en liaison avec la maison Pelvillain, quai du Havre, n'a pu avant longtemps recommencer ses opérations, si même il les a recommencées. Mais il avait indiqué la voie et suscité des émules. Dans une autre lettre du 30 octobre, parvenue peut-être par ce même messager, car elle est rattachée à la précédente, dans une seconde lettre, dis-je, la mère annonce, de son côté, à son fils, qu'un nouveau service postal vient de s'organiser à Rouen. C'est le Journal (sans doute le vieux Journal de Rouen) qui en prévient le public ; il assure que ce service fera tout ce qui dépendra de lui pour que les lettres parviennent aux assiégés.
Ces dames ont certainement employé ce nouvel office clandestin. C'est par lui qu'est partie une lettre du 30 octobre où la sœur, le beau-frère et le neveu de M. M... (le futur colonel) donnent de leurs nouvelles. Le feuillet double, papier pelure, a dû être mis sous enveloppe, car il ne porte pas d'adresse, mais l'enveloppe a été perdue. C'est sur le coin du recto que le destinataire a mis la mention : Lettres trouvées chez Just le 7 décembre, en traversant Paris, etc... Ce second messager a donc fait l'opération en quinze jours de moins que celui de Pelvillain. Il lui a tout de même fallu cinq semaines pour forcer le blocus. En recourant à cet intermédiaire, M. de Ligny disait à son beau-frère : « Nous usons aujourd'hui d'une voie nouvelle. Puisse-t-elle nous permettre de te donner signe de vie ». Naturellement ce dernier, dans ses lettres envoyées régulièrement par ballon, n'accusait pas réception de celles qu'on lui écrivait de Rouen, puisqu'il ne devait les recevoir que bien des semaines après.
Le 11 novembre 1870, sa mère et sa sœur récidivent, mais non sans quelque scepticisme. La mère précise : « Le monsieur qui s'est chargé de ma lettre n'a pas encore reçu de réponse aux siennes, il croit que l'affaire n'a pas réussi ; il m'en a redemandé une seconde aujourd'hui ». La sœur est plus explicite : « Est-ce cette lettre qui te parviendra après avoir jeté à ton adresse tant de bulletins au vent. Je t'avouerai franchement que j'éprouve un certain découragement à t'écrire ainsi sans savoir si nos nouvelles te parviendront et que seule l'idée du plaisir qu'elles devront te causer en les recevant, me fait tenter de nouveau et recommencer de nouvelles épîtres...»
Celle-là aussi devait arriver par le mystérieux courrier. C'est même celle qui arriva la première, avant celles qui avaient été mises en route beaucoup plus tôt. Elle était à Paris le 4 décembre. Le lieutenant de Mobiles la trouva à son bivouac de Vincennes, en rentrant de Paris où il avait fait une furtive apparition après la bataille de Champigny. C'est à cette circonstance mémorable qu'il fait allusion dans l'inscription, mise au coin gauche de la première page : « Lettres reçues à Vincennes retour de Champigny. après une escapade à Paris, le 4 Décembre 1870, à 7 heures du soir ». Ça, c'est de la précision ! Comme la précédente, cette double lettre était sous une enveloppe, qui n'a pas été conservée. En revenant de la fournaise de Champigny le vaillant officier avait autre chose à faire que de penser aux collectionneurs du siècle suivant.
A moins que nos lecteurs de Rouen ne puissent nous apporter d'autres éclaircissements, nous ne saurons probablement jamais par qui et comment, après le 30 octobre et après le 11 novembre, des lettres partirent de Normandie à destination des défenseurs de Paris, ni surtout comment elles réussirent à leur parvenir. (…)
Stéphane Strowski”
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Georges Brunel, La Poste à Paris depuis sa création jusqu’à nos jours, éditions Yvert et Tellier, 1920, p.267.
En fin de compte, M. G..., qui était pourtant à l'affût de tous les moyens de correspondre, n'obtint qu'une seule fois une réponse de sa femme. C'est par une dépêche de pigeon-voyageur, en langage clair. Datée du 13 décembre, elle lui arriva le 21 janvier.
Merci encore. Nous faisons, grâce à vous, de nouvelles découvertes