Les coulisses de l'impression des tous premiers timbres syriens
Newsletter de la maison Calves #40
Il n’existe pas de meilleur moyen de parfaire sa culture philatélique qu’en se plongeant dans la lecture de la presse et des publications anciennes, dans lesquelles se trouvent quantité d’informations précieuses et érudites.
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Actualités de la maison Calves :
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Toute l’équipe de la maison Calves vous souhaite de très belles fêtes de fin d'année, en espérant que l’année 2025 qui se profile soit une année riche en découvertes et en moments de bonheur partagés autour de vos timbres. Nous nous retrouverons dès début janvier autour de notre passion commune, avec de nouveaux articles, conseils et actualités philatéliques. Joyeux Noël à tous !
Les coulisses de l’impression des tous premiers timbres syriens
La Syrie est actuellement au centre de l'attention internationale avec la chute de Bachar el-Assad - un événement que nous espérons porteur de conséquences positives. Dans ce contexte, nous avons décidé, dans cette newsletter, de rendre hommage au peuple syrien, en revenant sur une période charnière de l'histoire de ce pays. Savez-vous, en effet, que la Syrie a existé en tant qu'État dès 1920, ayant connu une brève période d'indépendance sous la forme d'un royaume ? C’est ce qu’expose le numéro du 30 novembre 1936 de L’Écho de la Timbrologie, qui retrace l'histoire de l’émission des premiers timbres syriens. Cet épisode revêt un intérêt particulier pour les philatélistes français, car les timbres du Royaume de Syrie ont ensuite été surchargés et réutilisés par l’administration française. Ces timbres, sur lesquels vous vous êtes peut-être déjà interrogés., se distinguent nettement des timbres aux types Semeuse et Merson, utilisés en parallèle à la même époque en Syrie. Cet article apportera toutes les réponses à vos questions à leur sujet. Bonne lecture !
“Les hasards de ma carrière m'ayant mis en rapport avec les imprimeurs qui ont fourni les timbres de l’émission de 1920, j'ai pu obtenir d'eux quelques indications sur les circonstances qui accompagnèrent la confection de ces vignettes. Les détails rétrospectifs que j'ai pu ainsi recueillir m'ont paru de nature à intéresser les collectionneurs. Lorsque ceux-ci connaîtront les difficultés auxquelles durent faire face les fabricants, ils se montreront indulgents pour les défectuosités de leurs produits et rendront un juste hommage à la maestria avec laquelle les Syriens savent, comme les Français, recourir au système D.
Toutefois, avant de nous occuper des timbres, quelques rappels d'histoire sont indispensables. Après l'évacuation, en 1918, de la Syrie par les Allemands et les Turcs, les territoires du Levant avaient été occupés par l'armée anglaise, qui comprenait un faible contingent français, et un gouvernement arabe, présidé par un membre de la famille Abd el Kader, s'était organisé à Damas.
A la suite de l'accord du 17 septembre 1919 entre MM. Clémenceau et Lloyd Georges, les contingents anglais se retirèrent en Palestine, laissant à la France le soin d'occuper le Liban et la Cilicie, et aux Arabes les villes de Damas, de Homs, de Hama et d'Alep.
Le 21 novembre de la même année le général Gouraud, nommé Haut Commissaire de la République française débarquait à Beyrouth, et presque simultanément, le 23, un congrès des représentants des diverses régions syriennes se réunissait à Damas. Le prince Fayçal se rendait dans cette ville le 14 janvier 1920, et se faisait élire roi de Syrie par le congrès, le 8 Mars suivant. Mais les intrigues du gouvernement de Damas obligeaient le général Gouraud à lui adresser un ultimatum le 14 juillet, et le 22 le combat de Khan Messaloun mettait fin à la royauté de Fayçal, qui avait duré quatre mois et quelques jours.
Pendant cette période agitée le Gouvernement de Damas avait d'abord utilisé les anciens timbres turcs en les faisant surcharger.
Mais il s'était aussi préoccupé de l'impression d'une série régulière. Le type du nouveau timbre avait été demandé à Toufic Bey Tarek, dessinateur damascain réputé. Puis une fourniture de dix-sept millions de figurines, dont les valeurs devaient s'échelonner de 1 millième à dix piastres avait été mise en adjudication. L'adjudicataire Abdul Jelil Itani fit défaut et passa de gré à gré le marché au Sr Ibrahim Cozma. Cette cession ne fut officiellement régularisée que le 3 avril 1920, c'est-à-dire après la fourniture des premiers timbres, ainsi qu'on le verra plus loin.
La famille Cozma s'occupait du commerce des denrées coloniales. Rien ne la préparait donc à la fabrication de vignettes postales ; mais comme le père estimait qu'il n'y avait pas place dans son commerce pour ses cinq fils, il avait pourvu l'un d'eux, Ibrahim, d'un modeste matériel d'imprimerie, qui se composait en tout et pour tout d'une machine à pédale, d'une perforeuse et bien entendu des caractères indispensables. Ce pauvre outillage fonctionnait au Souk Bzourié, dans l'un des dépôts de denrées coloniales de la famille. Il n'était encore sorti de cet atelier que quelques papiers de commerce. Il fallait dans ces conditions une belle audace au jeune Ibrahim pour entreprendre, au pied levé, la fabrication de dix-sept millions de timbres ! Il est vrai qu'avec le louable esprit de solidarité, qui caractérise la famille syrienne et constitue l'une de ses plus belles qualités, il était assuré d'avance du plus entier concours de ses quatre frères.
Avant tout il importait d'aller vite. Sans attendre la signature du contrat, on confia la gravure du timbre à un certain Taher Tanir, en mesure d'invoquer, comme justification de son habileté technique, le fait que sous le régime turc il avait fabriqué de faux billets de banque !
On s'occupa d'abord de la valeur la plus courante : le timbre de cinq millièmes. Dès que le graveur eut livré 5 clichés, ces derniers furent disposés en ligne sous la presse et l'on procéda au tirage. Les cinq premiers timbres ainsi obtenus, la feuille de papier sur laquelle ils étaient imprimés fut légèrement déplacée, et sous la première rangée on en tira une seconde, puis une troisième, une quatrième et une cinquième. Ainsi furent formées des feuilles de vingt-cinq timbres, sur lesquelles une partie du papier restait inutilisée.
Ce papier, comment se le procurer ? Ce fut pour les frères Cozma l'un des problèmes les plus ardus à résoudre. Au lendemain de la guerre tous les stocks damascains étaient épuisés. On acheta du papier à l'armée anglaise, à l'armée française, et l'on utilisa des provisions abandonnées par l'armée allemande. Qu'on ne s'étonne pas, dans ces conditions, si les formats et les qualités de papier différèrent souvent.
Mêmes difficultés pour les couleurs. Il était impossible d'en obtenir dans le commerce. Qu'à cela ne tînt ! On en fabriqua. Le hasard voulut que devant l'un des frères Cozma une goutte d'huile vint à tomber sur je ne sais quelle graine. Une tache rougeâtre en résulta. Ce fut une illumination. En mélangeant la graine en question avec de l'huile de lin, on obtint la couleur rouge-brun des timbres n°75A et 80 du catalogue Yvert et Tellier, les premiers parus.
Pendant plusieurs mois on ne livra que des timbres rouges. Ce fut seulement le 12 août 1920, après la chute, par conséquent, du Gouvernement Fayçal, qu'eut lieu l'émission du timbre de 1 millième, dont la couleur brune résulta d'un mélange de rouge et de noir. Cette figurine, d'un format plus petit, fut imprimée par feuilles de cent timbres (ce timbre est le dernier en bas à droite, sur l’enveloppe ci-dessus, ndlr).
Imprimer les timbres ne suffisait pas : il fallait encore les gommer et les perforer. Le gommage se fit à la main, en humectant au pinceau le verso des feuilles avec une dilution de gomme arabique. Une cinquantaine d'ouvrières furent employées à cette besogne. On loua les hangars d'une savonnerie, sur les étagères desquels les feuilles gommées étaient étalées jusqu'à complet séchage. Ce gommage resta d'ailleurs insuffisant et mes aimables informateurs me signalèrent en riant que pendant tout le temps que dura la vente des timbres de leur fabrication, des pots de colle durent être disposés dans les bureaux de poste pour permettre aux usagers d'affranchir leurs lettres.
J'ai signalé plus haut qu'Ibrahim Cozma disposait d'une perforeuse ordinaire à un seul rang. C'est à l'aide de cette machine, et l'on devine avec quelle peine, que furent dentelées les premières feuilles, superposées par quatre ou cinq. Pour activer le travail on alla jusqu'à utiliser une machine à coudre.
Mais revenons à l'impression des feuilles de 25 timbres du 5 millièmes rouge-brun. De la manière rudimentaire que nous avons décrite plus haut, il en fut tiré 900 feuilles. Six cents d'entre elles reçurent, à la demande du gouvernement syrien, une surcharge signifiant : Souvenir de l'indépendance de la Syrie unie. 8 mars 1920. Ces six cents feuilles furent livrées à l'Administration des Postes le 6 ou le 7 mars ; c'est-à-dire à la veille de l'élection de l'émir Fayçal comme roi de Syrie. Elles ne furent vendues au public que dans la seule ville de Damas.
La première fourniture d'Ibrahim Cozma précédait donc de près d'un mois la signature du marché (3 avril) par lequel il se trouva lié vis-à-vis de l'Administration. Il n'avait pas attendu jusque là pour se préoccuper des moyens d'activer sa fabrication : il était évident en effet que ce n'était pas en imprimant ses timbres cinq par cinq qu'il pourrait jamais exécuter son marché. Des cinq clichés primitivement gravés par Taher Tanir, on avait distrait le moins défectueux. A l'aide d'une pâte de verre et de marbre pulvérisés très fins, on en avait pris un moulage, et avec ce moule, refait deux ou trois fois, on avait fondu cinquante nouveaux clichés, qui permirent d'établir une seconde planche. Grâce à cette dernière il devenait possible d'imprimer cinquante timbres à la fois : progrès appréciable ! Mais l'opération de la fonte a automatiquement pour effet de fournir un cliché plus réduit que le moule et par conséquent que le prototype. Les vignettes obtenues au moyen de la planche de cinquante clichés sont donc de dimensions un peu moindres que celles imprimées avec les cinq gravures primitives.
De ce qui précède il convient de retenir, pour la classification des timbres de Syrie, qu'il existe deux types du 5 millièmes. Du premier type, un peu plus grand (27 ½×21½) et de couleur végétale rouge-brun il a été tiré 900 feuilles de 25 timbres, dont 600 ont reçu la surcharge dite du couronnement. Le second type, plus petit (27 x 21) comporte de nombreuses nuances qui vont du rouge-brun au rose vif. Ainsi que le fait justement remarquer le catalogue Yvert et Tellier, toute surcharge apposée sur un timbre du second type ne peut être qu'un faux. En suivant l'ordre chronologique et historique, le timbre qui devrait, dans les catalogues, figurer en tête de l'émission de 1920, serait donc le timbre surchargé (n°80 du catalogue), puis le timbre de 5 millièmes rouge-brun du premier type (n° 75A), dont il n'a été mis en vente que 300 feuilles de 25 timbres ; enfin le 5 millièmes (2e type - n° 75).
Cette digression faite, revenons à notre sujet. Non content de l'effort accompli en établissant une planche de cinquante clichés, Ibrahim Cozma s'était, au bout de quelques mois, avec l'aide de ses frères, rendu acquéreur du matériel de la plus grande imprimerie de Damas. Mais son retard était tel qu'il parvenait difficilement à le rattraper. En mai 1920 il recevait une mise en demeure de l'Administration des Postes : il n'avait, en effet, encore livré que 116.000 timbres sur 17.000.000 ! Les autorités étaient d'ailleurs loin de se désintéresser de son travail, qui était fait sous le contrôle de quatre surveillants, dont deux appartenaient à l'Administration des Postes et deux à celle des Finances. Il est vrai qu'avec une nonchalance toute orientale trois d'entre eux remettaient le plus souvent leurs cachets au quatrième, à qui incombait le soin de placer les clichés sous scellés à la fin de chaque vacation.
Ce ne fut que vers le milieu de 1921 que la maison Cozma termina sa fourniture dont le prix avait été fixé à mille deux cent vingt-cinq livres égyptiennes. Depuis près d'un an les autorités qui avaient fait la commande avaient disparu ; et c'est en fin de compte le gouvernement franco-syrien qui en régla le prix.
Environ dix millions de timbres furent incinérés : je n'ai pu savoir dans quelles conditions. Le reste fut remis en circulation en 1921 avec la surcharge O. M. F. Mais ceci est une autre histoire.
Depuis cette époque déjà lointaine, la petite officine Ibrahim Cozma est devenue l'imprimerie Cozma frères, pourvue d'un outillage perfectionné, et l'une des plus importantes de la Syrie et du Liban. Bel exemple de ce que peut faire dans une famille la collaboration de tous ses membres unis dans un labeur continu.
Certes les timbres de l'émission de 1920 ne peuvent être considérés comme des chefs-d'œuvre ; mais lorsqu'on sait de quelles difficultés fut entouré leur enfantement on ne s'étonne plus de leurs tares. Leurs auteurs n'en tirent d'ailleurs aucune vanité, et c'est avec une bonhomie souriante qu'ils racontent les péripéties de leur première commande.
Généralement la confection des timbres est confiée à des firmes réputées. Ici, et le cas est peut-être unique dans l’histoire philatélique, c'est de la confection d'un timbre qu'est sortie une grande imprimerie.”
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Vu ou entendu
Nous avons une excellente nouvelle à vous annoncer ! Dans une précédente newsletter, nous vous avions informés que des questions de rentabilité menaçaient l’organisation, par notre chambre syndicale (la CNEP), des prochains salons philatéliques, et en particulier des salons philatéliques d’automne. Nous sommes heureux de vous annoncer que les échanges entre Philaposte et la CNEP ont abouti, et que, d’une part, le 78ème Salon philatélique d’automne se déroulera bien du jeudi 6 au samedi 8 novembre 2025, et d’autre part, que celui-ci se tiendra, comme à l’accoutumée, à l’Espace Champerret (Paris 17e, hall A). Les autres solutions envisagées, notamment un déplacement en banlieue, se sont avérées impraticables.
Il n’est toutefois pas certain que ce dispositif puisse être reconduit de la même manière en 2026, mais profitons de cette bonne nouvelle et réjouissons-nous à l’idée de nous retrouver en novembre prochain !
Avant cela, n’oubliez pas : la 8ème Biennale philatélique de Paris se tiendra dans le hall C de l’Espace Champerret du jeudi 27 au samedi 29 mars 2025. Préparez dès maintenant votre visite !
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