Philatélie et Résistance : l'histoire clandestine des faux "De Gaulle"
Newsletter de la maison Calves #57
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Actualités de la maison Calves
Vous habitez dans l’Est de la France et souhaitez faire expertiser vos timbres ? Ne manquez pas ce rendez-vous : les experts Christian Calves et Alain Jacquart seront présents sur le stand de la maison Le Timbre Classique à l’occasion de Phila-France Colmar 2025, qui se tiendra au Parc des expositions et des Congrès de Colmar. Ils seront à votre disposition pour signer vos timbres et répondre à toutes vos questions sur l’expertise ou la philatélie en général.
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Nouveau dans notre sélection de l’expert :
Nous venons de mettre à jour notre rubrique « Sélection de l’expert », dédiée aux pièces rares ou remarquables choisies par Christian Calves. À découvrir notamment : une belle sélection de timbres de la Libération.
Philatélie et Résistance : l'histoire clandestine des faux "De Gaulle"
Certains timbres font se rencontrer la philatélie et la grande histoire. Les faux timbres à l’effigie de De Gaulle, imprimés clandestinement à Nice en 1943, en sont un exemple : plus qu’une curiosité philatélique, ils constituent un acte de résistance contre l’occupant. C’est dans deux articles publiés en 1946 dans L’Écho de la Timbrologie qu’ils sont évoqués pour la première fois. Mais une erreur s’est glissée dans l’un de ces articles : le nom du graveur y est mal retranscrit. Les recherches que nous avons menées permettent de corriger cette inexactitude — et de redonner sa place à l’auteur de ces timbres, Robert Thivin, résistant de l’ombre, mort sous la torture dans les geôles de la Gestapo. Nous vous invitons ci-dessous à découvrir son histoire. Bonne lecture !
Première mention des faux “De Gaulle” : L’Écho de la Timbrologie, janvier 1946
“(…) voici les faits : [dans le cadre de mon activité d’avocat], j’ai eu à me présenter devant le tribunal correctionnel de la Seine pour assister un bien brave vieux monsieur (…). Un jour du mois de mai 1944, prenant un bock à la terrasse d’un café des grands boulevards, M. X… trouva sous la banquette trente enveloppes neuves et affranchies. Nullement philatéliste, il emporta sa trouvaille et dès que l'occasion s'en présenta, il envoya une lettre dans une de ces enveloppes. Sa bonne foi était entière puisqu'il n'hésita pas à inscrire son adresse au dos de son courrier.
Or, au lieu de représenter le maréchal Pétain, le timbre représentait le général de Gaulle. La lettre fut saisie, taxée, puis procès verbal pour usage de faux timbre fut dressé. Mais la routine administrative et judiciaire est lente et la Libération intervint, ce qui valut à M. X... un acquittement qu'il n’aurait certainement pas obtenu quelques semaines plus tôt. Nous ne pensons pas que cette enveloppe soit unique, et il est probable que le courageux gaulliste qui a semé ces curieux tracts ait procuré un moyen d'affranchissement gratuit à nombre de personnes.

Nous ignorons combien de lettres ont été expédiées avec ce timbre clandestin, combien sont parvenues à leurs destinataires, mais croyons que peu de postiers se sont montrés aussi zélés que celle celui de l'avenue d'Italie dans la saisie d'une correspondance annonciatrice de la Victoire.”
Emmanuel Blanc, Avocat à la Cour de Paris
Février 1946 : L’Écho de la Timbrologie dévoile l’origine des faux “De Gaulle”
“L'article de Me Emmanuel Blanc, paru dans l'Echo de janvier, nous a valu un copieux courrier. Les philatélistes qui ont fait de la résistance - ils sont légion - connaissent bien le 1 f. 50 à l'effigie du général de Gaulle, et l'un d'eux en particulier, le Docteur Lanchier, nous apporte d'intéressantes précisions sur l'origine et la destination de ce timbre.
Voici ce que notre aimable correspondant nous écrit :
« Ce fut à Nice et par le mouvement « Combat » qu'il fut conçu, gravé et imprimé en juin 1943. Le graveur fut Robert Thirin, typographe de son état, qui mourut torturé par la Gestapo le 3 février 1944, à Nice. Les imprimeurs furent Georges Fonat et MIle Georgette Houde, actuellement à Nice.
Le bloc de neuf timbres ayant servi à l'impression est dans nos archives.
En accord avec des postiers résistants nous devions lancer par milliers des enveloppes timbrées à l'effigie du général de Gaulle à une date fixée, je crois, au 28 juillet 1943. Certains de nos membres trop impatients devancèrent la date et ce fut ainsi que dès le début de juillet de nombreuses enveloppes portant ce timbre furent postées et distribuées. Certaines le furent en collant simultanément le timbre ordinaire à 1 f. 50 avec le nôtre et je possède dans ma collection deux enveloppes de cette nature que je m'étais adressées à moi-même et qui portent la date du 23 juillet 1943.
Certains « collaborateurs » reçurent de telles lettres bourrées de menaces, si bien que la police niçoise s'émut. Une enquête fut entreprise auprès des destinataires mais n'aboutit pas. J'estime à plusieurs milliers le nombre d'enveloppes portant le timbre de Gaulle ayant passé par la poste en juillet 1943.
Il y eut deux émissions de ce timbre : la première de neuf timbres, sans marges extérieures, se rapprochant davantage de la couleur ordinaire du 1 f. 50 Pétain ; la seconde est de teinte plus claire à cause des difficultés rencontrées dans l'impression. La dentelure est toujours faite à la main.
Un certain nombre de ces timbres non dentelés que M. Fonat portait à faire denteler à Mlle Houde furent perdus par lui dans la rue. Ramassés par des partisans qui en ignoraient la destination ils furent collés par eux dans les rues et sur les vitrines.
Il n'existe actuellement qu'un nombre infime de plaquettes d'origine, la plupart d'entre elles ayant été perdues ou détruites. Nous avons eu un instant l'idée d'offrir le bloc ayant servi à la composition au musée des P. T. T., mais des circonstances étrangères ont fait différer l'exécution de cette idée que je jugeais excellente car c'est le seul timbre à l'effigie de de Gaulle qui ait été imprimé dans la clandestinité.
Je reste à votre disposition pour tous renseignements et références mais au nom du mouvement « Combat » de Nice je revendique la paternité qui lui revient ».
Le vrai nom du graveur des “faux de Gaulle” : Robert Thivin
Les informations retranscrites ci-dessus contiennent une erreur qui s’est répétée dans la plupart des publications concernant le faux de Gaulle : le nom du graveur y est mentionné comme étant Robert Thirin. Or, après vérification, il s’agit en réalité de Robert Thivin. Ceci établi, nous avons pu en apprendre davantage sur son parcours — et sur sa fin tragique. Voici les informations que nous avons pu retrouver.
Robert Thivin (né le 7 juin 1898 à Paris, mort le 3 février 1944 à Nice) était photograveur, ancien élève de l’École Estienne, et vétéran décoré de la Première Guerre mondiale. Installé à Nice à partir de 1933, il travailla comme photograveur pour L’Éclaireur de Nice et du Sud-Est.
Résistant de la première heure, il joua un rôle clé dans la fabrication de tracts et de faux papiers pour le mouvement Combat, tout en participant activement aux réseaux Gallia, Kasanga et Jockey, ce dernier relevant du Special Operations Executive (SOE) britannique. Il était homologué au grade de lieutenant. Son travail de nuit au journal lui permettait de mener en parallèle une activité clandestine au service de l’imprimerie résistante.
Arrêté à Nice le 1er décembre 1943, Robert Thivin fut livré à la police allemande. Torturé pendant deux mois, il ne livra aucun renseignement, ni sur ses camarades, ni sur ses chefs. Ses bourreaux, furieux, le mutilèrent avant de l’étrangler dans sa cellule du quartier général de la Gestapo à Nice, le 3 février 1944.
Reconnu « Mort pour la France », il fut décoré à titre posthume de la Médaille de la Résistance, de la Croix de guerre 1939-1945 et de la Croix de combattant volontaire de la Résistance. Une rue porte son nom à Nice depuis 1945.1

Nouveau dans notre sélection de l’expert :
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Ces informations sont notamment issues de ce site : https://fusilles-40-44.maitron.fr/thivin-robert/
merci de nous faire revivre cette période difficile et de rendre hommage aux résistants