Ces projets de timbres abandonnés... mais cotés dans les catalogues (2/2)
Newsletter de la maison Calves #24
Il n’existe pas de meilleur moyen de parfaire sa culture philatélique qu’en se plongeant dans la lecture de la presse et des publications anciennes, dans lesquelles se trouvent quantité d’informations précieuses et érudites.
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Ces projets de timbres abandonnés... mais cotés dans les catalogues (2/2)
Il arrive fréquemment que vous nous interrogiez au sujet de timbres à l’effigie de Cérès ou de Napoléon III, ressemblant à ceux émis officiellement émis par la Poste, mais sans être identiques. En réalité, ces timbres sont des projets privés, adressés par des entrepreneurs à l’administration, dans l’espoir de se voir confier par celle-ci le marché (juteux) de la fabrication des timbres-poste. Le catalogue Yvert et Tellier ignore totalement ses essais. Le catalogue Spink/Maury, en revanche, leur consacre une double page de cotation, mais ne donne aucun détail à leur sujet. Pour connaître leur histoire, il faut aller puiser dans les ouvrages spécialisés… un travail que nous avons effectué pour vous. Nous vous avons donné dans notre précédente newsletter les informations utiles sur certaines de ces émissions. Nous continuons cette semaine notre tour d’horizon, en nous appuyant sur les travaux d’Arthur Maury, qui s’est intéressé de près à la question dans son Histoire des timbres-poste français. Bonne lecture !
Les projets Bordes
“Les vignettes ci-dessus ont été proposées en 1867 par M. Bordes comme échantillons, en vue de concurrence de prix ; l’impression s’en faisait en typographie au moyen de presses rotatives, sur du papier sans fin. Nous avons vu ces essais à l’Exposition Universelle de Paris 1867 (…) Ces essais existent non dentelés et dentelés. L’impression est en couleur : noir, rose, rouge, bleu sur papier blanc.”
A noter : le catalogue Spink/Maury attribue aux projets Bordes des cotes de 35 à 60 euros en fonction de la couleur du timbre (cotes identiques pour des exemplaires dentelés ou non dentelés, barrés ou non barrés).
Les projets Joubert (essais de timbres-poste à l’effigie du prince impérial)
“Cet essai est l’un des plus intéressants de la collection française puisqu’il fut exécuté dans des circonstances critiques dont nous allons donner un rapide aperçu.
En 1869, l’empire qui, selon le mot de M. Thiers, « n’avait plus une faute à commettre », cherchait une orientation politique nouvelle qui lui permît de durer malgré les difficultés incessantes que lui suscitait l'opposition ; pour cela, il fit un pas vers le parti libéral et prit pour ministre M. Emile Ollivier qui jusqu’alors comptait à la Chambre parmi les républicains.
Une nouvelle Constitution fut élaborée puis soumise au plébiscite populaire ; en même temps on dénonçait un complot ridicule où soi-disant la vie de Napoléon III avait été menacée. La Constitution fut adoptée à une forte majorité et cependant elle ne satisfaisait personne et n’offrait rien de nouveau ni de décisif. L’empereur y indiquait sa préoccupation « de rendre plus facile la transmission de la couronne à son fils ». Cette préoccupation était plutôt celle de l’entourage de l’Impératrice qui s’agitait beaucoup, malheureusement pour l’avenir de notre pays. L’Empereur, lui, était gravement malade et croyait sa fin prochaine : il ne pouvait plus monter à cheval, supportait difficilement la voiture et marchait courbé en deux. Une opération chirurgicale, la lithotritie, fut déclarée urgente, mais on la remit à plus tard car « elle était dangereuse et il fallait avant tout rendre la régence possible ».
On s’explique ainsi pourquoi l'effigie du Prince Impérial, destinée à remplacer, le cas échéant, le profil de Napoléon III dans le médaillon des timbres-poste, fut commandée à Londres, au lieu de l’être plus simplement à la Monnaie de Paris où les bons graveurs sur acier ne manquaient nullement. La mission était évidemment secrète, soit pour éviter un chagrin nouveau à l’Empereur, soit pour complaire à l’Impératrice qui menait la politique d’alors. (…)
L’effigie du Prince Impérial a été exécutée d’après le médaillon en plâtre de A. Bovy dont nous reproduisons ici une photographie (…)
Cette oeuvre d’art est datée de 1863 ; comment expliquer qu’elles ont servi de modèle pour des timbres-poste, gravés 6 ans après alors que le prince était âgé de 12 ou 13 ans ? La raison est peut-être que les nombreux portraits du « petit prince » à cet âge gracieux, avaient beaucoup plu, qu’il en avait été imprimé, par tous les moyens connus, des milliers d’exemplaires afin de rendre populaire l’héritier présomptif, tandis qu’à 13 ans, la caricature politique, très injustement d’ailleurs, le montrait enlaidi, avec des oreilles ridicules.
L’essai que nous venons de décrire se présente avec un fond plein, sans les ornements et les inscriptions habituels; c’est que cette gravure type devait servir à frapper des médaillons ronds pour remplir exactement les cadres passe-partout des timbres alors en cours. (…)
Le bloc d’acier de M. Joubert, trouvé chez M. Hulot (fonctionnaire français, qui a dirigé l'entreprise de fabrication des premiers timbres-poste de France de 1848 à 1876) après son décès, était accompagné de quelques épreuves, comprenant le grand cercle du tour, tirées sur chine en noir ou en bleu.
Il en fut, bien entendu, imprimé de nouvelles épreuves par l’acquéreur qui, de plus, crut bon d’en faire des clichés coupés carrément à la limite du filet blanc ; du reste ces clichés ont été obtenus selon le mode employé pour les timbres-poste : le coin type en acier a servi à frapper des contre-parties en plomb, lesquelles ont donné des galvanos et ceux-ci ont été montés et imposés en une petite forme de 25 exemplaires. Il en a été tiré des épreuves en diverses couleurs.
Quant au prince impérial, il se retira en Angleterre avec sa mère l’ex-impératrice Eugénie, après la guerre franco-allemande, il entra à l’École militaire de Woolwich et, en 1879, il partit en Afrique pour combattre au Zoulouland qu’il importait de soumettre avant les Républiques Boers. Il fut surpris et tué par les sauvages dans une sortie imprudente où il n’était accompagné que d'un officier qui, du reste, l’abandonna.”
A noter : le catalogue Spink/Maury attribue aux projets Joubert des cotes de 17 euros pour les timbres en bloc de 4 exemplaires, et de 90 à 300 euros, pour les épreuves sur papier chine.
Les projets Gaiffe
“Les feuilles d'essais, à ce type, tirées en diverses couleurs, ont été présentées en 1871 à l’administration des Postes, par M. Gaiffe. Nous connaissons les valeurs 1 et 10 c. imprimées tantôt en une seule couleur, tantôt avec l’effigie dans une autre teinte.”
A noter : le catalogue Spink/Maury attribue aux projets Gaiffe une cote de 35 euros pour les timbres avec une valeur faciale à 1c. unicolores, de 310 euros pour les timbres avec une valeur faciale à 1 c. bicolores, et de 220 euros pour les timbres avec une valeur faciale à 10 c.
Le lien pour lire en ligne l’Histoire des timbres-poste, d’Arthur Maury : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3168423/f1.item
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