Le timbre le plus laid du monde ? L'étonnante histoire du premier timbre de Nouvelle-Calédonie
Newsletter de la maison Calves #56
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Actualités de la maison Calves
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Le timbre le plus laid du monde ? L'étonnante histoire du premier timbre de Nouvelle-Calédonie
L’histoire du premier timbre de Nouvelle-Calédonie prête à sourire : dès son émission, il a été unanimement considéré comme l’un des plus laids jamais créés. Et pourtant, c’est l’un des rares à avoir conservé jusqu’à aujourd’hui le nom de son dessinateur, puisqu’on le désigne couramment sous le nom de Triquéra — ou parfois Triquérat — en référence au sergent Louis Triquéra qui en réalisa le dessin. Certes, ce timbre ne brille pas par ses qualités esthétiques, mais reconnaissons au pauvre Triquéra qu’il faisait sans doute de son mieux avec les moyens rudimentaires dont disposait la Nouvelle-Calédonie en 1860. C’est à ce timbre que L’Écho de la Timbrologie consacre deux articles fouillés, parus en 1949 dans ses numéros 1141 et 1146, sous la plume de Maurice Chevassu. Ils méritent d’être redécouverts, car ils apportent un éclairage précieux sur plusieurs points méconnus : la rareté des exemplaires oblitérés, le fait que les feuilles soient presque toujours pliées, ou encore les chiffres de tirage — qui, selon l’auteur, seraient en réalité supérieurs aux 15 000 exemplaires généralement admis. Bonne lecture !
“C’est en 1854 que le Capitaine de Vaisseau Tardy de Montravel fut chargé de commencer l’occupation de l’île dont l’amiral Febvrier-Despointes avait pris possession l’année précédente au nom de la France. Après avoir hésité entre Balade, à l’extrémité occidentale de l’île (où s’était installée en 1843 une mission catholique, et où avait eu lieu le débarquement de l’Amiral Febvrier-Despointes) et Kanala, sur la côte Nord, il trouva une baie particulièrement propice dans une presqu'île, située à l'extrémité orientale de l'île, à laquelle les indigènes donnaient le nom de Numea. Il fit construire là une série de baraquements et baptisa Port-de-France cette première agglomération.
Le pays était montagneux, les habitants cruellement anthropophages. L'occupation fut d'abord extrêmement limitée, et en étendue et en occupants. On peut s'en faire une idée d'après un article du Monde Illustré du 25 Avril 1857, publié à l'occasion du massacre d'un des premiers colons qui avait installé une plantation à sept milles de Port de France. La répression, y lit-on, sera difficile, les forces qui sont dans l'île ne dépassant pas cent-quarante soldats appartenant au 2e Régiment d'Infanterie de Marine, plus les deux ou trois cents hommes embarqués à bord de la frégate en station. La vue de Port-de-France, que le Monde Illustré donne à cette occasion, montre que la future capitale de la Nouvelle-Calédonie est alors représentée tout juste par quelques baraquements. (…)
Il n'y avait pas d'imprimerie à Port-de-France. Le modeste journal de la colonie, le Moniteur Impérial étant tiré sur pierre lithographique, il était naturel que les timbres le fussent également.
Un certain Triquéra était l'illustrateur du Moniteur Impérial. Il y avait fait preuve d'un certain talent. Mais (…) pour la confection des timbres, il fallait dessiner à l'envers la figurine et les inscriptions sur la pierre lithographique, et cela, le faire cinquante fois. Lorsqu'on regarde la planche, on se rend compte que Triquéra n'avait aucune aptitude pour ce genre de travail. On a même l'impression qu'il réalisa cette manière de pensum avec une visible lassitude. Si lamentable qu'ait été son œuvre, elle transmettra pourtant son nom pendant longtemps encore sans doute aux générations philatéliques.
Le modèle choisi était le timbre français, alors en cours, de Napoléon III non lauré. Les quatre lignes qui encadrent le bloc de cinquante sont exactement la distance voulue. Mais Triquèra oublie, en divisant ce bloc en cinquante cases, qu’il doit conserver un espace blanc, une marge, entre chaque timbre. Il est par ailleurs incapable de trace cinquante cases semblables. Si les quatre lignes horizontales qui divisent le bloc en cinq bandes sont bien à distance égale, il n'en va plus de même des neuf lignes verticales qui sont loin d'être tracées à la même distance les unes des autres. Il s’ensuit que tous les timbres sont loin d’avoir la même largeur. Les plus larges (…) mesurent 21 millimètres, tandis que les plus étroits (…) n’en mesurent plus que 18 (…).

Quant à l'effigie soi-disant impériale, elle offre toutes les variétés possibles : têtes longues, têtes larges, la barbe, la moustache, l'oreille, l'œil, les lignes d'ombre, tout diffère d'un timbre à l'autre. Il n'est pas jusqu'au cadre octogonal de perles dans lequel cette effigie est plus ou moins mal centrée qui ne présente de ci de là un aspect original : c'est un octogone bien isolé de points à la case 23 ; c'est une véritable guirlande à la case 20. (…)
Nous manquons de renseignements sur la manière dont les feuilles ont été tirées sur la planche lithographique. Il est extrêmement probable qu'il y a eu plusieurs tirages. En se basant sur la circulaire du 1er Janvier 1860, annonçant que les timbres n'étaient délivrés que par feuilles entières ou par bandes de dix, il n'est pas douteux que la poste devait être approvisionnée ce jour-là d'un certain nombre de feuilles entières. Le chiffre de quinze cents timbres, soit trente feuilles de cinquante, qu'on donne volontiers comme répondant au tirage total du timbre qui nous occupe, ne répond peut-être qu'au tirage qui fut préparé pour la mise en cours du 1er janvier 1860. Ce tirage fut-il suffisant pour répondre aux demandes faites à la poste pendant plus de deux ans ? Certainement pas, si l'on déduit du nombre des timbres utilisés postalement, chiffre que nous ignorons, celui des timbres actuellement encore conservés en feuilles, qui représente peut-être à lui seul un pareil chiffre. Il est donc plus que probable qu’il y ait eu plusieurs tirages (…).
On admet volontiers que Triquéra, qui avait dessiné la planche, fut également celui qui tira les épreuves. (…) Quel qu'ait été l'exécutant, on doit en tous cas reconnaître que le tirage lithographique a été fait avec soin. Les plus fins détails, étudiés avec une forte loupe, les mêmes points et les mêmes petits traits, les mêmes imperfections, les mêmes taches, se trouvent reproduits sur les feuilles de façon absolument identique. Bref, si le dessin est grossier, la reproduction en est fine et c'est par là que les tirages authentiques se différencient des innombrables imitations qui en ont été effectuées. (…)
Les timbres de Triquéra, lithographiés apparemment avec la même encre qui servait pour le Moniteur Impérial, ne sont pas en général franchement noirs ; ils sont gris-noirs et d'un ton particulièrement terne. Mais, de même que le Moniteur, ils ne sont pas toujours d'une teinte uniforme sur la totalité de la feuille. (…) Le dessin du timbre transparaît toujours un peu au verso, parfois très légèrement, parfois davantage, mais toujours suffisamment pour qu'on puisse y deviner l'emplacement de l'effigie. (…) Il n’y a pas trace de foulage au verso, comme dans toute impression lithographique. Pas davantage trace de gomme. Il paraît qu’un pot de gomme arabique était au bureau de poste de Port-de-France à la disposition des expéditeurs.
La plupart des feuilles connues présentant des plis, et souvent des plis profonds, qui coupent vraiment certains timbres. Les feuilles les moins pliées présentant un pli vertical et un pli horizontal montrant qu’elles ont été pliées en quatre pour être expédiées sous enveloppe (…). Toutes les feuilles cependant ne sont pas parvenues pliées (…) Il en est ainsi de celle que je possède, et notre collègue Dubus peut vous en présenter une analogue. Or, ces deux feuilles portent au verso deux signatures, l’une à l’encre au milieu de la marge du haut, l’autre au crayon, plus grande, dans la partie gauche de la marge du bas. Sur ces signatures on lit Paul Martin (…). En 1926, je suis allé la soumettre au regretté Gilbert, qui a été longtemps mon principal guide philatélique. Après l’avoir étudiée comparée à celle qu’il possédait, il m’a dit : “Vous avez de la chance, vous avez là une des dix ou douze feuilles qui auraient été rapportées à l’époque directement de la Nouvelle-Calédonie par un amiral qui y avait fait escale.” (…)

Les timbres de Triquéra avaient disparu de la poste dès 1862, soit au moment de l’arrivée des Aigles (17 septembre 1862), peut-être même avant (…). Nous ignorons, en fait, que cette suppression eut lieu. Le décret annonçant l’arrivée des Aigles, signé par le gouverneur Guillain, ne fait aucune allusion au timbre qui les a précédés. Il n’est pas fait davantage allusion à la destinée de ceux de ces timbres qui devaient encore exister à la poste au moment de la suppression (…). En ce qui concerne la destruction de la pierre lithographique, nous sommes obligés de nous en remettre à deux témoignages établissant que la pierre fut détruite par ordre du commissaire-ordonnateur Foucher (…).
Il semble que les premiers timbres de la Nouvelle-Calédonie parvenus en France se soient trouvés sur deux lettres adressées par un lieutenant d'Infanterie de Marine au grand collectionneur strasbourgeois Berger-Levraut. Il les communiqua à Potiquet pour la première édition de son catalogue qui parut le 21 décembre 1861. L'existence de ce timbre fut une révélation pour le petit monde des collectionneurs de l'époque. Mahé, dans ses souvenirs, a raconté que seul M. Herpin en possédait alors à Paris un exemplaire et qu'on le considérait comme aussi rare que les premiers timbres de la Réunion. Lorsque Mahé - qui avait ouvert depuis peu un commerce de timbres-poste - parvint à faire venir une feuille de la Nouvelle-Calédonie, celles-ci n'étaient déjà plus en vente à la Poste, et on eut quelque peine à en trouver une chez un commerçant de Port-de-France. Il est donc établi que, tant que ce timbre a été en cours, et il l'a été environ pendant deux ans, il est resté à peu près ignoré des collectionneurs (français tout au moins), et que le jour où ceux-ci s'y sont intéressés, il n'était déjà plus en cours.
Mais si la France était bien loin, aux antipodes, Sydney était relativement proche. (…) Je croirais volontiers que c'est de ce côté qu'il serait sage de rechercher la source des feuilles qui, si rapidement disparues à la Nouvelle-Calédonie, ont apparu néanmoins peu à peu sur le marché philatélique, si l'en en juge du moins par ce que laissent entrevoir les catalogues de l'époque. Mahé avait vendu 1.000 francs la première feuille reçue en France, sans doute vers la fin de 1862. Lorsqu'il édite son catalogue, dont je n'ai pu consulter que la troisième édition, celle de 1865, il offre la feuille entière pour 75 francs. C'est donc qu'un certain nombre de feuilles entières ont fait dès cette époque leur apparition sur le marché.
Les imitations ne tardent pas à apparaître. Maury vend une photographie de la feuille pour trois francs en 1867. Elle ne se vend plus que 1 fr. 50 en 1872. En 1881, l'annonce précise qu'il s'agit d'une feuille en photolithographie ; elle n'est plus vendue que 0 fr. 50. A partir de ce moment, il se fait une singulière confusion entre les originaux, les photographies, les photo-lithographies, et de soi-disant réimpressions qui n'ont jamais existé et que Senf cote 20 marks en 1897. (…)
Bien que Mamelin, le préposé au guichet, ait prétendu avoir fendu un bouchon en quatre pour se’n servir comme marque oblitérante, il semble que la plupart des timbres ayant effectivement servi aient quitté Port-de-France sans oblitération. (…) Il est donc en général impossible de faire la distinction entre les timbres neufs émis sans gomme, et les timbres qui ont pu être détachés de lettres sur lesquelles ils n’avaient pas été oblitérés. (…)

Quelques oblitérations pourtant sont connues. Dans le stock de Bernichon, il existait un timbre oblitéré du cachet à triple ovale de la Nouvelle Galles du Sud. En voici la reproduction photographique. (…)

Professeur Maurice CHEVASSU’
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et merci encore