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Actualités de la maison Calves
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Notre prochaine newsletter, prévue pour mardi prochain, sera elle aussi la dernière avant l’été. Et comme promis, elle sera consacrée à un sujet qui vous tient particulièrement à cœur : la vraie valeur des timbres. Vous avez en effet été nombreux, à l’occasion de notre sondage de mai, à exprimer votre intérêt pour des analyses franches sur les réalités du marché philatélique. Ce premier article - consacré aux timbres Europa CEPT - marquera le coup d’envoi de cette nouvelle série. À ne pas manquer !
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Chronique philatélique de la Pologne en guerre
S’il est un pays qui a payé un tribut démesuré à la Seconde Guerre mondiale, c’est bien la Pologne. Envahie le 1er septembre 1939 par l’Allemagne nazie, puis le 17 septembre par l’Union soviétique, elle est littéralement effacée des cartes, partagée entre deux puissances totalitaires dans le cadre du pacte germano-soviétique. Le bilan humain est effroyable : six millions de Polonais périssent, dont trois millions de Juifs exterminés dans le cadre de la Shoah. À cette tragédie s’ajoutent la destruction des élites, la déportation massive de civils, la résistance réprimée dans le sang, et des villes comme Varsovie presque entièrement rasées. Cette histoire douloureuse trouve un écho inattendu dans la philatélie, à travers des émissions de timbres peu connues des collectionneurs. Dans un article publié en 1949 dans L’Écho de la Timbrologie (n° 1146), P. Lenoir met en lumière plusieurs de ces témoins oubliés : les timbres émis par le gouvernement polonais en exil en France — curieusement absents des catalogues français —, ceux produits en Grande-Bretagne, et surtout les créations réalisées clandestinement dans les Offlag, notamment au camp de Woldenberg, par des prisonniers de guerre polonais. Une lecture aussi instructive que passionnante.
“Le 28 avril 1939, Hitler, chancelier du Reich, dénonçait le pacte de non agression de dix ans entre l’Allemagne et la Pologne, et il dénonçait, en même temps, l’agrément naval avec la Grande-Bretagne. Ces dénonciations étaient significatives et auraient dû prévenir les dirigeants français et anglais que l’Allemagne cherchait querelle et que la guerre était sans doute proche.
En effet, le 1er septembre 1939, les armées nazies envahissaient la Pologne, commençant par ce coup de force la guerre la plus désastreuse dans l’histoire du monde. Toute convention était devenue un chiffon de papier, les familles étaient dispersées, les nations détruites. La possibilité de communiquer avec les familles, avec les amis, avec les nations pour envoyer ses pensées, pour apporter des nouvelles aux parents, aux enfants, aux épouses, aux fiancés, allait-elle, aussi, être détruite, enlevant toute lueur, tout espoir, et risquant de rendre les hommes tout à fait fous ? Eh bien ! non, la poste fonctionna quand-même et remplit du mieux possible son office de liaison.
De toutes les contrées en guerre, aucune ne fut aussi complètement sous la domination allemande que la Pologne : de son peuple meurtri et emprisonné, une partie devint allemande, une autre russe, et son gouvernement se réfugia en France, pour que la Pologne puisse encore exister, et en même temps ce qui put s’échapper de ses armées vint aussi en France, pour continuer la lutte. Mais la France elle-même ne put supporter le choc et elle capitula. Alors la plupart des Polonais venus chez nous se réfugièrent en Angleterre et en Ecosse. Et partout ou les Polonais allèrent, leurs postes les suivirent et fonctionnèrent. On peut donc en faire une histoire passionnante.
Il y eut des timbres émis : par la Pologne, en Pologne ; par l'Allemagne en Pologne ; en France, par les armées polonaises stationnées et en campagne ; en Angleterre pour la Marine, l'Aviation et les Corps polonais ; par les Russes, en Pologne ; en Italie, par l'armée Anders ; dans les camps de prisonniers polonais.
Suivant l'ordre chronologique, c'est en France, en 1940 qu'il y eut la poste polonaise. Les timbres de cette poste sont parmi les plus intéressants, ils sont évidemment rares, car les quantités employées sont faibles, ils n'ont duré que du 3 mai au 10 juin 1940, et les destinataires n’ayant pas fait attention, la plus grande partie a été perdue. Comme il n’y avait aucune facilité d'imprimer des timbres spéciaux, il fut décidé d’utiliser provisoirement les timbres français en cours, en les perforant W. P., initiales de : WOJSKO POLSKIE (armée polonaise).

L'emploi de ces timbres perforés W. P. était obligatoire et toutes les lettres du quartier général en étaient revêtues. En juin 1940, une rapide évacuation de France fut nécessaire et ce fut encore une cause de perte de ce qui restait en stock. La machine à perforer elle-même fut détruite.
Au camp de Coëtquidan où la 1re Division de Grenadiers polonais stationnait en avril 1940, il fut émis un bloc comprenant cinq dessins et imprimé en rose pâle. Le tirage n'était que de deux cents et il n'y en a que quarante qui subsistent.

Quand les Polonais quittèrent la France pour se réfugier en Angleterre, les bureaux de poste polonais employèrent les timbres anglais, en les oblitérant de cachets polonais. En décembre 1942, il fut émis une série avec inscriptions en polonais et en anglais. Il y a quatre types : un parachutiste, un aviateur, un marin et un conducteur de char. Les mêmes timbres furent surchargés 1 d., 2 d. , 3 d., 4 d. et 5 d. DOPLATA pour servir de timbres-taxe.
Pour la Marine polonaise, il fut émis une série très belle et plus connue parce que son tirage, sans être considérable, était tout de même bien plus important. Il y avait d’assez nombreux vaisseaux polonais, cuirassés ou autres, et c'est le 10 décembre 1941 que ces bâtiments furent dotés d'une série de huit timbres imprimés par Bradbury Wilkinson. Le. 5 gr. mauve, montre les ruines de l'Ambassade des Etats-Unis à Varsovie, tirage 675.000 ; le 10 gr. vert, le Ministère des Finances à Varsovie, tirage 280.000 ; le 25 gr. ardoise, la destruction de la statue de Mickiewicz à Cracovie tirage 220.000 ; le 55 gr. bleu, les ruines de la place du Château à Varsovie ; le 75 gr. olive, un canon polonais ; le 80 gr. rose, un tank polonais ; le 1 zl. bleu-gris, un avion Blenheim ; le dernier, le 1 zl. 50, carmin-brun, représente le sous-marin Orze, qui échappa aux Allemands et put venir en Angleterre continuer la lutte. Ces quatre derniers sont tirés à 140.000. Il ne peut donc exister que 140.000 séries complètes. (…)

Cette série fut épuisée en 1943. Il fut fait une nouvelle commande à la firme Bradbury Wilkinson qui imprima une nouvelle série de huit timbres, sortie le 1er novembre 1943. Les chiffres de tirage sont à peu près les mêmes que pour la série précédente et il ne peut y avoir aussi que 140.000 séries complètes. Le 5 gr. montre un avion Wellington ; le 10 gr., un avion allemand attaqué par les Polonais ; le 25 gr., un canon polonais anti-tank attaquant un tank allemand en France en 1940 ; le 55 gr., nous montre des Polonais et des Anglais dans la campagne de Narwick ; le 75 gr., l'armée polonaise en Libye ; le 80 gr., le Général Sikorsky, commandant en chef qui, un mois plus tard, trouvait la mort dans un accident d'avion à Gibraltar : le 1 zl. nous montre des Polonais sabotant une ligne de chemin de fer en Pologne ; enfin, le 1 zl. 50 représente une imprimerie clandestine souterraine.

Le 27 Juin 1944 pour commémorer la bataille de Mai 1944 sur le Mont Cassin on surchargea quatre timbres de la première série (..). Le chiffre de tirage n'est que de 55.000 séries.

Enfin, un timbre de charité en commémoration de la bataille de Varsovie et au profit des survivants, fut vendu en Angleterre le 3 février 1945. Il est de 1 zl.+2 zl. vert, et était imprimé par Thomas de la Rue et C°. Le tirage était de 105.000. La collection complète des timbres polonais « Sea-Post » en Angleterre est donc de vingt-et-un timbres. Les planches en ont été détruites et il n'y aura donc pas de réimpression.
La collection des timbres émis par les Allemands en Pologne est bien plus importante, mais n'en parlons pas ici, car ils sont catalogués et décrits dans tous les catalogues, alors que les précédents et ceux des camps dont nous ferons la description par la suite, n'y ont pas été admis. La première omission du Reich après l'invasion, fut une série de treize valeurs Hindenburg surchargées “Deutsche Post Osten”, puis toutes les séries suivantes portent la mention GENERAL GOUVERNEMENT. Elles furent largement vendues en France, et cela se comprend, pendant l'occupation.
Maintenant les timbres dont nous allons parler ne sont pour ainsi dire pas connus en France. En Angleterre et en Amérique, au contraire, certains catalogues les cotent. Ce sont les timbres des Camps de prisonniers polonais.
Le premier service postal dans un camp eut lieu à Woldenberg, Camp II C. Dans ce camp, il y avait sept mille prisonniers, dont six mille officiers. Un pareil camp est comme une petite ville ; il y eut une librairie et la nécessité d'avoir un service de lettres, et pour la Mère-Patrie, et pour les habitants du camp et pour les prisonniers du camp, fit qu'on organisa une poste locale, gérée exclusivement par les prisonniers eux-mêmes.
Une aide financière fut créée, sous le nom de “Fonds de la veuve et de l'orphelin”, en polonais “Fondus, Wdow Sierot”, d'où les initiales F. S. W., figurant sur la plupart des timbres de ce camp. Le camp inaugura son service postal le 18 mars 1942, et il eut un tel succès que la première série de timbres du 4 avril 1942, fut complètement épuisée en peu de jours et qu'un service plus étendu et régulier commença à partir du 7 mai.

Il y avait par chance des artistes parmi les prisonniers et on eut recours à eux pour la préparation des timbres. La gravure fut exécutée sur bois et ce fut assez souvent de beaux dessins artistiques. Quand les bois gravés furent prêts, il y eut une autre difficulté à surmonter ; avec quel papier pourrait-on imprimer ? Quelles encres aurait-on ? Ce ne sont pas les nazis bien entendu qui auraient fourni cela. L'ingéniosité des prisonniers vint à bout de tout, des papiers d'emballage, des cartes postales, du papier à lettres, des marges de journaux allemands, les papiers des paquets de cigarettes, tout fut utilisé, et même, pas à Woldenberg mais à Murnau, du papier toilette. Par la suite, la Croix-Rouge et l'Y. M. C. A. fournirent du papier.
Quant aux encres, la première émission fut imprimée avec de la peinture à l'huile ; les suivantes avec de l'encre obtenue de Pologne. Les premiers timbres furent imprimés un par un, et plus tard dans les émissions de 1943 ou 1944, en blocs de quatre. Comme il n'y avait ni gomme, ni machine à perforer, tous les timbres du camp de Woldenberg sont sans gomme et non dentelés.
Les organisateurs du service tinrent un contrôle strict, et l'argent des timbres vendus servit pour un local de réunion dans le camp et pour le fonds “Veuves et Orphelins”. Un comité responsable approuvait les dessins. La première émission eut lieu le 4 avril 1942 et dura jusqu'au 20 mai. Mais au bout de quelque temps il n'y avait déjà presque plus de timbres, si bien qu'on prépara une seconde émission. Le sujet des premiers timbres est pour le 10 pf. une veuve et un orphelin et pour le 20 pf. un postier. Ils ont été gravés sur bois par Staniszkis et imprimés un par un sur des papiers variés.
La seconde émission parut le 3 mai 1942. La gravure sur bois en fut exécutée par Pichell. Le 5 pf. chocolat ou rouge est un drapeau, le 10 pf. rouge nous montre des soldats partant à l’assaut et le 20 pf. bleu une décoration. Ils furent épuisés le 15 juin et on exécuta un nouveau petit tirage qui dura du 19 juin au 6 août 1942. 1 300 blocs comprenant ces trois timbres, mais imprimés en bleu et noir (couleur du ruban de l’ordre) et avec un fronton “Virtute Militari’, furent vendus 1 mk. un seul jour, le 18 mai 1942.
Le 10 pf. fut édité aussi en petites cartes postales et pour plusieurs des émissions suivantes, il fut tiré aussi de petites cartes postales, ce qui qui se comprend, les correspondances devant circuler a découvert. (…)

Le 25 Janvier 1945, le camp II C fut évacué et son activité postale cessa ainsi. La cause de l'évacuation était l'avance de l'armée rouge. Les prisonniers durent faire à pied cinq cents kilomètres jusqu'à Hambourg, d'où ils durent encore repartir à pied pour onze cents kilomètres jusqu'au camp VII A à Murnau. Ces marches furent terribles, avec le froid, la faim, et la brutalité des gardes allemands. Si bien que beaucoup de ces timbres de Woldenberg, que les prisonniers avaient jalousement conservés, furent perdus, car certains de ces malheureux prisonniers moururent le long des routes et d'autres, rien que pour alléger tant soit peu leur charge, les jetèrent. De sorte que ces timbres de Woldenberg déjà tirés en petites quantités, se sont encore raréfiés et sont difficiles à trouver.
Après leur arrivée à Murnau, pour commémorer leur marche terrible, les prisonniers de Woldenberg émirent le 26 avril 1945, trois timbres, le premier dit ODRA 125 kms jusqu'à l'Oder ; le second LABA, 375 kms jusqu'à l'Elbe et le troisième DUNAY, 1100 kms, jusqu'au Danube.
Enfin, le 28 avril 1945, sentant l'approche de la liberté, ils émirent leur dernier timbre. Ils ne se trompaient pas puisque ce fut le lendemain 29 avril, que les Américains arrivèrent, et le timbre émis la veille reçut la surcharge : POLSKI OSRODEK WOJSKOWI MURNAU. (…)
A Murnau, précédemment à l’arrivée des prisonniers de Woldenberg, les Polonais ont aussi émis des timbres à onze reprises différentes. Ils sont plutôt moins artistiques et ils ont aussi été imprimés avec toutes sortes de difficultés et sur tous papiers, jusqu'à du papier de toilette.
A Woldenberg, les véritables artistes, chargés par le Comité de la facture des timbres, se préoccupèrent aussi d'avoir des oblitérations propres et circonstanciées suivant les événements qu'il s'agissait de commémorer.
Tous ces timbres des camps de prisonniers Polonais, démontrent le courage, la ténacité et l'ingéniosité de ces hommes, ils sont en même temps, comme beaucoup de timbres, un excellent cours d'histoire.
P. Lenoir”
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Merci
Un article pour la rentrée de septembre !