Signatures douteuses, faux experts : guide de survie du collectionneur
Newsletter de la maison Calves #59
Actualités de la maison Calves
A vos calendriers : notre prochaine vente flash de timbres sera mise en ligne le jeudi 19 juin à 18h. Ce sera la dernière avant la pause estivale - une occasion à ne pas manquer !
Signatures douteuses, faux experts : guide de survie du collectionneur
La semaine dernière, nous avons publié les résultats du sondage que nous avons mené en mai. Un chiffre a retenu toute notre attention : à la question « Existe-t-il des signatures dont vous vous méfiez ? », plus de la moitié d’entre vous (50,2 %) ont répondu non – en précisant souvent ne pas se sentir suffisamment informés pour en juger.
C’est une réponse compréhensible… mais préoccupante. Car oui, certaines signatures doivent inspirer la méfiance. Nous vous avions promis d’identifier les plus problématiques et de vous donner des clés pour les repérer, afin que vous puissiez collectionner en toute confiance. Chose promise, chose due : c’est l’objet de cette newsletter – un peu plus longue qu’à l’accoutumée, mais le sujet le mérite).
Reprenons les bases
Il existe plusieurs types de signatures au dos des timbres. Elles ne se valent pas – et chacune doit vous inspirer un niveau de confiance différent.
Les signatures de collectionneurs
Leur fonction première était d’éviter les vols, un timbre marqué étant plus difficile à revendre. Initialement, cette pratique était surtout le fait de grands collectionneurs (la confection d’un tampon étant relativement onéreuse). Elle s’est ensuite répandue avec la multiplication, au sein des associations, des carnets à choix (le but étant d’éviter que certains indélicats ne subtilisent les timbres ou ne les remplacent par d’autres, de moindre qualité). Elle a fini par disparaître au tournant des années 50, les philatélistes voyant d’un mauvais œil l’accumulation de cachets au dos de leurs timbres.
Aujourd’hui, une marque discrète de collectionneur n’entraîne pas de décote pour un timbre neuf. Mais attention : elle ne prouve rien en termes d’authenticité.

Les signatures de négociants
De nombreux marchands, en France et à l’étranger, signaient les timbres qu’ils vendaient pour offrir une forme de traçabilité : en cas de problème, on savait d’où le timbre venait. Cette habitude a disparu au milieu du XXe siècle.
Important : une signature de négociant n’est pas non plus une garantie d’authenticité. Elle atteste seulement d’une provenance. Cela dit, il existe de « bonnes signatures », c’est-à-dire des signatures de négociants dont on sait qu’ils ont exercé avec sérieux : citons Robert Blanc pour la France, Emile Pavoille pour les colonies françaises ou Willy Balasse pour la Belgique.

Les signatures d’experts
Ce sont les seules à attester explicitement de l’authenticité d’un timbre. Une signature d’expert signifie que le timbre a été examiné, qu’il n’est ni faux, ni réparé, ni regommé. Mais il y a un problème : n’importe qui peut se proclamer expert, comme nous allons le voir.
Aujourd’hui, les experts véritablement reconnus sont peu nombreux. Mais, dans le passé, plusieurs ont laissé une signature fiable et respectée : Aimé Brun, Henri Thiaude, Théodore Champion, Léon-Pierre Margue, ou encore Roger North pour la France.

Rappel utile : une signature d’expert est d’autant plus crédible que le timbre appartient à sa spécialité géographique.
Le flou juridique autour du titre d’expert
En France, le statut d’expert n’est pas protégé. C’est un problème ancien, qui agitait déjà le monde philatélique… en 1950. En témoigne l’article suivant, publié cette année-là dans L’Écho de la Timbrologie. Nous vous le reproduisons intégralement : il mêle humour et lucidité, et reste d’une étonnante actualité.
“Il y a quelque temps, une campagne de presse a défrayé les chroniques des revues et journaux philatéliques. Il s'agissait de frapper à qui mieux mieux sur les quelques charcutiers en rupture de saucisse et autres représentants en bouteilles pleines ou vides qui - sentant brusquement la philatélie devenir une excellente affaire - avaient ouvert boutique et fièrement inscrit sur leur devanture : Tartempion, expert. Mes confrères se demandaient si Tartempion avait le droit au titre d'expert, lui dont tout le monde savait qu'il ne distinguait qu'avec difficulté un Bordeaux d'un colonial (sauf bien entendu, en matière vinicole).
Nous avons attendu que ce branle-bas de combat se calme pour étudier juridiquement le statut de l'expert et tranquilliser dès aujourd'hui les futurs Tartempions : ils ont bel et bien le droit de se donner le titre d'expert. Disons par parenthèse qu'il vaudrait mieux qu'ils s'abstinssent, car M. Brun1 pourrait leur dire, avec son sourire tranquille : « Puisque vous êtes expert, à quoi vous sert ma signature ? Signez donc vos timbres vous-même », mais juridiquement, ils ont le droit d'aller jusqu'à porter une pancarte sur le dos avec ces simples mots : « Je suis expert en timbres ».
Dans le droit français il n'existe aucune réglementation générale relative aux experts, sauf pour certaines catégories d'entre eux qui, dans ces cas, bénéficient d'un statut particulier (comptables, chimistes, médecins, etc.). Cette position de notre droit est d'autant plus compréhensible que de la définition, telle que la donne Mallard2, il résulte que l'expert est l'homme versé dans la connaissance d'une science ou d'un art, d'un commerce ou d'un métier. « C'est, dit cet auteur, l'architecte, l'ingénieur, le peintre, le sculpteur, le médecin, le chimiste, le comptable, en un mot le spécialiste que l'on consulte et que l'on charge de faire un rapport dans les contestations auxquelles donnent lieu les questions intéressant la science, l'art, le commerce ou le métier dont il fait profession ».
Dans l'ancien droit, où la charge de l'expert était vénale, une réglementation de l’expertise existait bien. Mais toute la construction des édits codifiés par l'ordonnance de 1667 fut abolie à la Révolution : seule fut réglementée par le code de procédure (art. 303 à 323) l’expertise ordonnée par jugement, c'est-à-dire l'expertise judiciaire. Des décrets sont intervenus dans ce domaine : en 1893 pour les médecins légistes, en 1906 pour les chimistes, etc., mais toujours concernant une certaine spécialité et toujours fragmentaires.
Par contre, devant cette lacune de la législation, les tribunaux ont l'habitude d'établir des listes d'experts parmi les personnes les plus qualifiées à donner leur avis, et c'est ainsi que seules les personnes inscrites sur cette liste et avant droit à l'appellation d'expert près le Tribunal ou près la Cour, peuvent se prévaloir de la qualité de véritables auxiliaires de la justice.
La situation peut donc aujourd'hui s'analyser de la manière suivante : toute personne a le droit de prendre le titre d'expert sans encourir aucun blâme ni commettre aucune faute. Nous irons plus loin en disant que quiconque a le droit de prendre le titre d'“expert en...” sans encourir aucun reproche (à condition de ne pas toucher aux professions réglementées que nous avons citées plus haut). Ma concierge aurait le droit de faire imprimer des cartes de visite à son nom avec mention « expert en timbres-poste » sous le seul prétexte qu'elle me monte tous les jours mon courrier.
La plus grande liberté est donc d'usage en la matière. Le public qu'on ne trompe pas facilement fait tout seul la discrimination et juge souverainement. Laissons-le juger. Tout est affaire de bon sens et d'élégance. Le ridicule tue encore..
Emmanuel Blanc, Avocat à la Cour de Paris”
Comme nous l’indiquions plus haut, nous partageons pleinement l’analyse de cet article – et aurions pu écrire nous-mêmes certaines phrases. Encore aujourd’hui, apparaissent régulièrement de nouveaux "experts" autoproclamés, souvent prompts à enjoliver leur parcours ou à se construire un vernis d’autorité. Nous avons ainsi dû intervenir à plusieurs reprises auprès de personnes affirmant – à tort – avoir été formées par Roger Calves. Rappelons-le une bonne fois : Roger Calves n’a jamais eu d’élève. Il n’a transmis son savoir qu’à ceux qui ont travaillé à ses côtés au quotidien, à savoir Christian Calves et Alain Jacquart.
Ce qu’il faut savoir aujourd’hui : les signatures qui doivent vous alerter
Venons-en maintenant à l’aspect concret, celui qui vous concerne directement : quelles sont les signatures qui doivent vous mettre en garde ?
1. Les fausses signatures Calves
Un faussaire ne falsifie pas une signature par hasard : si une fausse signature Calves est apposée sur un timbre, c’est que celui-ci pose problème. Même si elles ne sont pas toujours faciles à détecter, nous vous donnons ici quelques exemples de fausses signatures identifiées (parmi de très nombreuses autres).

Profitons-en pour rappeler une chose essentielle : les certificats dactylographiés attribués à Roger Calves, comme celui ci-dessous, sont des faux. Et les timbres qui les accompagnent également.
2. Les signatures de marchands-faussaires
Certaines signatures sont associées à des pratiques frauduleuses bien documentées. C’est le cas de Geo ou Georges Carion, tristement célèbre pour avoir créé de de toute pièce des timbres des colonies françaises – comme les timbres de Diego-Suarez surchargés « Sainte-Marie de Madagascar » dans un double cercle bleu. Il a aussi imité des surcharges authentiques, telles que celles de Tahiti.


Fait marquant : en 1910, ce même Carion a attaqué en justice La Revue Philatélique pour avoir dénoncé ses agissements, réclamant 25 000 francs de dommages et intérêts. Il a bien entendu perdu ce procès.

Autre cas : celui de Benatar. Il s'agit d’un marchand a priori sérieux, établi à Casablanca, co-auteur de l’une des premières éditions du catalogue des timbres-poste du Maroc, et décédé… en 1940. Le problème, c’est que l’on retrouve sa signature au dos de timbres de Saint-Pierre-et-Miquelon surchargés France Libre, émis en 1941 et 1942. L’hypothèse la plus probable est que sa veuve ait poursuivi l’activité philatélique de son mari après son décès, mais en utilisant son cachet de manière nettement moins rigoureuse.3 Quoi qu’il en soit, la présence de la signature Benatar au dos de ces timbres est un indice clair : elle signifie systématiquement que la surcharge France Libre est fausse.

3. Le cas Darteyre : l’expert qui n’y voyait pas très clair
Nom bien connu des spécialistes, Didier Darteyre fut un expert actif entre les années 1920 et 1960. Il a publié de nombreux articles, notamment sur la détection des faux. Mais malgré sa culture philatélique, il n’avait pas l’œil. Conséquence : marchands et collectionneurs lui soumettaient les timbres que les autres experts refusaient de signer. Aujourd’hui, il est rare qu’un timbre signé Darteyre ne soit pas faux, réparé ou regommé… Sa signature est donc un signal d’alerte.


4. Les fausses signatures d’anciens collectionneurs et négociants
Dernier cas, plus retors encore : un faussaire actif aujourd’hui fabrique à la chaîne de fausses signatures imitant celles de négociants ou collectionneurs décédés depuis longtemps. Ces fausses marques, souvent très similaires entre elles (même taille, même police), n’ont rien à voir avec les originales. Elles sont presque toujours apposées sur des timbres problématiques (faux, réparés ou regommés), pour leur donner une légitimité. Méfiez-vous-en absolument. Vous en trouverez ci-dessous une liste non exhaustive. Les plus fréquentes sont les suivantes : Balasse, Blanc, Gilbert, Chevalier, Pavoille, Lemaire et Costes.
Vous l’aurez compris : toutes les signatures ne se valent pas. Certaines sont des repères fiables ; d’autres, au contraire, doivent éveiller votre vigilance. Et comme souvent en philatélie, la connaissance est votre meilleure alliée. Pour aller plus loin, nous vous recommandons de parcourir ce site (en anglais), qui s’est donné pour objectif ambitieux de recenser les signatures de tous les experts philatéliques ayant jamais exercé :
👉 https://www.filatelia.fi
Nouveau dans notre sélection de l’expert :
Libération de Measnes - n°1 à 6 - série complète - neufs** - SUP - signés Calves - 150 euros
N°YT 266 à 268 - Caisse d'Amortissement - neufs** - SUP - signés Calves - 115 euros
N°YT 253 à 255 - Caisse d'Amortissement - neufs** - SUP - signés Calves - 75 euros
Il s’agit d’Aimé Brun (1887-1969), le pape des experts français, qui a formé le fondateur de notre maison, Roger Calves.
Il s’agit d’Édouard Mallard, juriste français du XIXe siècle, connu pour ses travaux en droit civil et pour avoir été l’un des principaux auteurs du célèbre Répertoire de Dalloz.
L’hypothèse émane de Georges Ferretti, collectionneur averti, qui a mené une enquête approfondie sur la signature Benatar après nous avoir confié pour expertise plusieurs timbres portant cette signature : https://blog.delcampe.net/fr/une-histoire-de-faux-entre-le-maroc-et-saint-pierre-et-miquelon/
Mettre des mots sur les maux de notre passion: Entre les contrefaçons de timbres, les faux certificats, les signatures très douteuses, des administrations postales qui ne savent plus quoi inventer pour saturer l'espace de " pseudo produits philatéliques" et un marché de plus en plus étroit lié à l'absence d'intérêt de la philatélie dans les jeunes générations, nous apparaissons un peu comme des dinausaures. L'image de la philatélie devenant celle d'un ancienne marotte exercée par de vieux ringards. Et aucun signe de changement à court terme. Sans doute est-ce de notre responsabilité collective, de n'avoir pas su partager notre passion, sans nous écarter suffisamment du premier cercle des collectionneurs.
Merci pour vos INFOS et documents toujours précieux et interessants.
Pour la question des signatures, je constate qu'il y a beaucoup de fausses
"Calves" sur eBay ou réseaux sociaux de vente.
Concernant les experts, certains en effet s'auto proclament expert...dont un qui a fait polémique il y a quelques temps avec une société DOUTEUSE...et liquidée depuis.... votre sondage et enquête me semble incomplète ou. bien trop gentille ! Chacun doit rester prudent !