Le 7 novembre prochain, à l'occasion du Salon philatélique d'automne, la Poste française rendra hommage à Roger Calves (1921-2009), fondateur de la maison Calves, en émettant un timbre à son effigie.
Reconnu comme l'un des plus grands experts de sa génération, Roger Calves a également consacré sa vie à l'enrichissement et à la diffusion des connaissances philatéliques. La semaine dernière, nous avons eu l'occasion de vous faire connaître ses recherches sur le petit frère du Vermillon, le “Un franc rouge brun”.
Cette semaine, nous souhaitons vous présenter une autre facette de son travail, concernant cette fois-ci la production de Jean de Sperati. Roger Calves a en effet étudié de près l'œuvre de cet immense faussaire, dont les productions ont trompé les plus grands experts, et a contribué à dévoiler certains de ses secrets de fabrication.
Après un rappel du parcours de Jean de Sperati pour ceux qui ne le connaîtraient pas, nous partagerons des extraits des analyses de Roger Calves, initialement publiées dans le Philatélie Magazine n°4 (janvier-février 2000) et jamais rééditées depuis. Nous espérons que cet article vous éclairera sur le savoir-faire exceptionnel de Jean de Sperati. Bonne lecture !

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Jean de Sperati : le maître-faussaire de la philatélie
Jean de Sperati, né Giovanni Desperati le 14 octobre 1884 à Pistoia en Italie, est considéré comme l'un des plus grands faussaires de timbres-poste de l'histoire. Sa vie et son œuvre fascinent encore aujourd'hui les collectionneurs et les experts du monde entier.
Les débuts d’un génie de la contrefaçon
La légende veut que Jean, jeune collectionneur, ait été trompé par un faux timbre des colonies françaises. Cet incident aurait attisé son désir de vengeance et son obsession pour la création de faux. Il commence à s'initier aux techniques d'impression grâce à un des ses frères, qui tient un atelier de photographie à Turin, et à un cousin, qui possède un moulin à papier. C’est ensuite son frère Mariano, marchand de timbres, qui lui met le pied à l’étrier en lui demandant de réaliser un faux timbre de Saint-Marin. Cette collaboration marque le début d'une activité clandestine qui implique jusqu’à leur mère. En 1910, Mariano est arrêté mais acquitté pour "absence de délit", les lois de l'époque ne punissant que la contrefaçon de timbres pouvant être encore utilisés à la poste.

Une vie dans l’ombre
Après cette affaire, Sperati choisit d'opérer seul. Sa carrière décolle véritablement lorsqu'un marchand, Jean Cividini, lui commande la reproduction d'un timbre rare de la Côte de l'Or britannique, qui trompe même l'expert berlinois Max Their. Fort de ce succès, Sperati commence à créer des faux timbres classiques à forte valeur, qui sont revendus à travers l'Europe.
En 1930, soucieux de discrétion, il déménage à Aix-les-Bains en Savoie avec sa famille. C'est dans cette ville qu'il poursuit son activité clandestine pendant des années.
L'apogée et la chute
La Seconde Guerre mondiale marque l'apogée de son activité. Les collectionneurs, cherchant à protéger leur patrimoine, se tournent vers les timbres de forte valeur, plus faciles à dissimuler que d'autres biens précieux. Cette demande accrue génère un afflux de commandes.
Cependant, en 1942, un événement inattendu vient bouleverser la vie de Sperati. Une lettre contenant de faux timbres classiques, envoyée à Lisbonne, est intercepté par les douanes françaises. Croyant les timbres authentiques, l'administration accuse Sperati de fraude fiscale pour n'avoir pas déclaré leur véritable valeur.

Le procès et la révélation
Pour se défendre, Sperati avoue que les timbres sont des faux. Mais contre toute attente, le criminologue Edmond Locard certifie leur authenticité dans un rapport d'expert daté du 18 mai 1943, évaluant le colis à 223 400 francs.

Acculé, Sperati n'a d'autre choix que de révéler ses techniques au tribunal pour éviter la ruine. Il est finalement acquitté de l'accusation de fraude fiscale, mais écope d'une amende pour avoir entravé le travail des douaniers.
Les dernières années
Malgré cette révélation, Sperati poursuit son activité. Ce n'est qu'en 1952 qu'une nouvelle instance est engagée contre lui par la Chambre Syndicale des Négociants en Timbres-Poste pour production de faux timbres de collection. Condamné pour escroquerie, il fait appel, mais la Cour d'Appel confirme le jugement initial, le condamnant à deux ans de prison. Son âge avancé lui épargne cependant l'incarcération.
Pour couvrir ses frais, Sperati décide alors de vendre des albums dans lesquels il réunit plus de deux cents de ses falsifications. Ce sont les célèbres albums "Philatélie d'Art" qui contiennent également des épreuves en noir, portant sa signature Sperati et la mention “ reproduction interdite”.

L’héritage de Sperati
En 1954, la British Philatelic Association (BPA) décide de lui racheter son stock de faux timbres pour empêcher la transmission de son savoir-faire. Sperati cède également à la BPA ses clichés, ses clichés, ses presses, sa collection de référence, son "livre d'or", ainsi que les correspondances échangées avec certains clients. La somme obtenue pour cette transaction reste à ce jour inconnue.

Un gigantesque travail d'analyse est alors entrepris. Il aboutit notamment à la parution d'un ouvrage en quatre volumes, The work of Jean de Sperati, qui permet d'identifier les productions du faussaire, et qui reste aujourd’hui très recherché.
Ironiquement, les faux timbres de Sperati sont aujourd'hui prisés par les collectionneurs et atteignent des prix respectables, bien qu'inférieurs à ceux des timbres authentiques. Sa maîtrise technique et son talent artistique font de ses créations des objets de collection à part entière.
La technique de Sperati, par Roger Calves
La qualité exceptionnelle des faux de Sperati repose sur sa maîtrise de la phototypie comme technique d’impression. Cette méthode, qui repose sur l’utilisation de plaques de verre, lui permet d'exploiter ses connaissances en photographie et en imprimerie pour reproduire aussi bien la lithographie que la taille-douce.
“Sperati se sert d'un original pour faire ses matrices, il n'utilise pas du tout la photographie qui déforme la taille réelle des timbres. (…)
1/ L'original est immergé dans l'eau froide distillée, pour le débarrasser de toutes traces de charnière ou de papier et de sa gomme.
2/ On plonge le timbre dans de l'essence de térébenthine blanche de première qualité, pendant 15 à 20 minutes puis on retire l'original du bain. Deux cas se présentent alors ; pour le premier, l'image est aussi bien visible au recto qu'au verso, le papier à donc obtenu la transparence nécessaire : pour le second cas, le verso est moins net, il faut alors procéder différemment.
3/ Transfert de l'image négative obtenue sur la plaque lithographique enduite d'une couche de gélatine enduite de bicarbonate de potassium, solution sensible à la lumière.” (Roger Calves, Philatélie Magazine n°4, janvier-février 2000).
Pour parfaire ses contrefaçons, Sperati n'hésite pas à utiliser du papier authentique récupéré sur les bords de feuilles de timbres, voire à recycler des timbres de faible valeur.
“Sperati décolorait des planches de timbres de faible valeur pour en utiliser le papier. Il est le seul à avoir réussi cette technique. Nombreux sont ceux qui ont échoué. Le constat se fait facilement sous une lampe ultra-violets car des traces de l'ancien dessin car des traces de l’ancien dessin persistent. Par exemple, pour les timbres de Sardaigne avec effigie en relief, Sperati conservait l'effigie, mais décolorait le cadre pour lui substituer un cadre inversé. Même procédé pour les faux de l'émission de 1901 de Nouvelle-Guinée. Pour les "Mols" du Congo belge, il conservait le centre d'un timbre de faible valeur, décolorait le cadre, le remplaçait par le cadre d'un timbre plus rare et plus cher. (…)
Pour donner une apparence ancienne à ses pièces, Sperati utilisait de la poussière, et arrondissait les coins avec une plume grattoir. Pour la gomme, il utilisait un mélange d'albumine, de gomme arabique, colle de poisson...” (Roger Calves, Philatélie Magazine n°4, janvier-février 2000).
Et pour conclure, un chiffre qui donne le vertige : “on estime qu'il a lancé entre cent cinquante et cent soixante dix mille faux sur le marché, certains timbres en très peu d'exemplaires (une dizaine) et d'autres en grande quantité (cinq cent unités).” (Roger Calves, Philatélie Magazine n°4, janvier-février 2000).
A consulter absolument :
le remarquable site Internet (en anglais) consacré à Jean de Sperati par Richard Frajola : https://www.sperati.org/ sur lequel se trouvent en libre téléchargement de nombreuses ressources précieuses, dont (notamment) : le livre La philatélie sans experts ?, écrit par Jean de Sperati lui-même, l’album de 225 reproductions offert par Sperati à sa fille Yvonne ou, mieux encore, une collection de 214 pages présentant des références de faux Sperati pays par pays (provenance de la majorité des pièces : ex-collection Carl Walske).
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Tout commence en 1943 avec Roger Calves, élève d’Aimé Brun - figure fondatrice de l’expertise philatélique moderne. Son exigence et son savoir-faire sont ensuite transmis à Christian Calves et Alain Jacquart, qui font aujourd’hui référence dans le monde philatélique.
➡️ En 2024, La Poste française rend hommage à cette histoire en émettant un timbre officiel à l’effigie de Roger Calves — un honneur rare, partagé par peu d’experts philatéliques.