Le business caché des timbres regommés + La querelle des oblitérés de complaisance
Newsletter de la maison Calves #66
Il n’existe pas de meilleur moyen de parfaire sa culture philatélique qu’en se plongeant dans la lecture de la presse et des publications anciennes, dans lesquelles se trouvent quantité d’informations précieuses et érudites.
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Actualités de la maison Calves
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Le business caché des timbres regommés
Nous avons évoqué il y a deux semaines le problème des timbres regommés. Vos nombreuses réactions ont fait ressortir une question centrale : existe-t-il encore des regommeurs aujourd’hui, ou bien les timbres truqués qui circulent sur le marché sont-ils uniquement des travaux anciens ?
La réponse est malheureusement sans appel : actuellement, des centaines de timbres sont regommés chaque semaine. S’il n’existe plus, de nos jours, de véritables artisans capables d’opérations complexes – replaquer un timbre pour masquer un aminci, ou le remarger avec une précision extrême, comme cela se pratiquait encore jusqu’au milieu du XXᵉ siècle – en revanche, rien n’est plus facile que de regommer.
Certains en ont même fait leur métier. Nous en voulons pour preuve ce prospectus reçu par la poste il y a quelques années (nous avons volontairement effacé les coordonnées pour ne pas faire de publicité indue à son auteur). On y découvre des tarifs édifiants : 2 euros par timbre, 1,50 euro seulement si la cote est inférieure à 15 euros… et, pour les nouveaux clients, une offre promotionnelle : trois timbres regommés gratuitement, « geste commercial » destiné à apprécier la qualité du travail.

À ces tarifs, on devine sans peine que les regommeurs trouvent une large clientèle parmi les revendeurs peu scrupuleux. Ceux-ci « collectent » sur le marché des timbres sans gomme ou avec fortes traces de charnière, les font regommer, puis les revendent comme des pièces de qualité « luxe » - le plus souvent sur des sites d’enchères en ligne, où ils opèrent sans réel contrôle.
Certains vont même encore plus loin dans la tromperie : après le regommage, ils ajoutent de fausses signatures au dos des timbres afin de donner une apparence d’authenticité à leurs productions. L’exemple ci-dessous, que nous avons reçu récemment à l’expertise, en est une illustration frappante. Il s’agit d’un bloc de quatre exemplaires du n°31 (40 c orange), doté d’une gomme grossièrement falsifiée, au dos duquel ont été apposées (excusez du peu) quatre fausses signatures « Calves », une fausse signature « Roumet » et, en marge, une fausse signature « Gilbert ».
La signature « Gilbert », en particulier, aurait dû suffire à éveiller les soupçons de l’acheteur : nous l’avions en effet déjà signalée parmi d’autres. fausses signatures de négociants ou collectionneurs du XIXe et du début du XXe siècle, utilisées par un même faussaire pour crédibiliser sa production. Si l’acheteur avait lu nos avertissements, il ne se serait jamais laissé piéger. Par précaution, nous republions ci-dessous le tableau des fausses signatures recensées. Si vous tombez sur un timbre qui en porte une, le seul réflexe à avoir est simple : ne pas acheter.
La querelle des oblitérés de complaisance
À lire ce que nous écrivons ci-dessus sur les timbres neufs, on pourrait croire qu’il est plus simple de collectionner les timbres oblitérés. D’autant que, contrairement à une idée largement répandue dans le grand public, leur valeur est en général inférieure à celle des neufs, et donc à la portée d’un plus grand nombre de bourses. Pas du tout ! Les oblitérés ont eux aussi leurs propres problématiques, comme en témoigne un échange animé entre philatélistes publié dans Balasse Magazine en 1946. Les puristes, notamment, rejettent fermement les « oblitérations de complaisance », ces cachets postaux apposés uniquement pour satisfaire un collectionneur, sans lien avec un véritable acheminement du courrier. Un débat passionné… que nous vous invitons à découvrir ci-dessous. Bonne lecture !
“Les préférences de la majorité vont au neuf. Le neuf fait plus joli sur une page d'album et satisfait mieux l'œil du collectionneur. Plus demandé, il constitue une marchandise plus intéressante et un objet de spéculation moins incertain. Au surplus la valeur dite faciale, même après sa mise hors d'usage, constitue déjà une cote de base ou de départ dont ne saurait se prévaloir l'oblitéré. (…)
Ce n'était pas le cas au début de la philatélie. Le premier collectionneur est certainement celui qui a détaché de son enveloppe ou de son pli un timbre qui d'abord n'excitait tant sa curiosité que parce qu'il portait le cachet d'un pays lointain. Ce n'est qu'après que son intérêt s'est éveillé pour le timbre même, qu'il a voulu le posséder dans son intégrité première. Aussi les vieilles collections ne contiennent guère de timbres neufs. Une règle que l'exception vient naturellement confirmer. Les neufs qui nous sont parvenus par l'intermédiaire de grandes collections classées, à moins qu'il ne s'agisse d'isolés ou de petits morceaux de feuille oubliés dans un tiroir, sont excessivement rares. Et d'autant plus recherchés. (…) Bref, on peut dire qu'en règle générale l'oblitéré domine parmi les classiques et le neuf parmi les modernes. (…)
A mon avis, un timbre qui ne tire sa valeur que de son caractère postal, n’atteint pleinement ce caractère que lorsqu’il est oblitéré. La marque d’affranchissement dont il est revêtu l’affranchit au sens propre et, à son abri et sous sa garantie, il s'achemine vers sa destination. Il crée au surplus un lien entre l’expéditeur et le destinataire, en même temps qu'il s’imprègne de l'atmosphère de toutes les latitudes sous lesquelles il a passé, des contrées et des mers qu'il a traversées. Il s'est chargé de souvenirs, de regrets, d'espoirs, en un mot de poésie. Autant de choses qu'on peut y mettre et qui dépendent du degré d'émotivité de son possesseur. Mais il y a aussi la matérialité du cachet qui, mal appliqué, peut souiller le timbre et l'enlaidir, mais qui, normalement, l'embellit en ce qu'il le rend vivant. Et d'être vivant n'est-ce pas la première des qualités, celle qui, au besoin, peut remplacer toutes les autres mais qu'aucune ne remplace ?

Nous finirons par un mot sur l'oblitération de complaisance. On ne la trouve heureusement que sur des séries modernes dont il nous chaut peu qu'elles soient abîmées ou non. Une telle oblitération n'est ni plus ni moins qu'un faux et nous nous étonnons que l'Administration les tolère sous n'importe quel prétexte. Le timbre qui en est revêtu n'est plus neuf mais il n'est pas non plus usé, il est abîmé sans plus. Il devrait être exclu des concours, des expositions et de tout album bien tenu.

Charles BERNARD” (Balasse Magazine n°43, mars 1946)
“Haro sur ce parasite ! Ainsi se termine l'article de M. Charles Bernard dans Balasse Magazine de mars, en partant de l'oblitération « de complaisance ». M. Bernard permettra certainement à un modeste amateur d'émettre ses idées à ce sujet. A priori, je ne suis pas d'avis de considérer comme fausse l'oblitération qu’il appelle « de complaisance », c'est-à-dire faite sur demande. Certes, le timbre oblitéré de cette façon n'a pas accompli sa mission au sens propre du mot, je suis tout à fait d'accord à ce sujet. Mais d'abord, en quoi consiste sa mission ? L'achat d'un timbre est en somme l'achat d'un service qui sera rendu ou non, pour autant que le timbre soit ou ne soit pas utilisé. Il n'y a donc pas lieu de subordonner l'existence réelle d'un timbre au fait qu'il soit oblitéré, car alors le timbre neuf, n'ayant accompli aucune mission, ne devrait être considéré que comme une simple vignette. Et cependant, le timbre neuf est un véritable timbre, et pour comble, il coûte plus cher que l'oblitéré. En conséquence, l'action de faire oblitérer un timbre à un bureau postal, lui enlève-t-il sa qualité de timbre ? Je ne le pense pas. (…)
Et qu'est-ce que l'oblitération, si ce n'est l'annulation du timbre, c'est-à-dire sa mise hors d'usage. Aux yeux de l'Administration postale, le timbre oblitéré est annulé, il ne pourra plus servir à l'avenir. Et c'est là le sens premier de l'oblitération : « empêcher de remettre le timbre en circulation ». Et pour arriver à ce but, l'Administration impose des mesures nettement déterminées : timbres à date, encre grasse, etc. Au même titre qu'un timbre neuf est un timbre, l'oblitéré « sur demande » doit être considéré comme un timbre, et l'oblitération n'en est pas fausse. Tout au plus peut-on dire qu'elle est faussée. Certes, s'il a réellement servi, son oblitération a plus de valeur à mes yeux. C'est compréhensible, mais de là à déclarer fausse l'oblitération dite « de complaisance » me paraît exagéré. L'Administration des Postes met bien en circulation des préoblitérés. (…)
Mais il est d'autres arguments qu'il est bon d'invoquer. Désireux de posséder une série complète de nouveaux timbres, est-il raisonnable que je m'adresse une quantité d'enveloppes pour avoir le plat de décoller les timbres? Cela est d’autant plus dangereux que les timbres se froissent, s’abîment, se déchirent en cours de route, et sont souvent affublés de cachets emplâtrés, qui les abîment et leur font perdre de la valeur.
M. Charles Bernard a beau dire qu'un timbre oblitéré de cette façon le rend vivant. C'est possible, mais pour ma part, je préfère une oblitération bien faite à un emplâtre de ce genre et beaucoup de philatélistes pensent comme moi. Et puis, confier au hasard du voyage si petit soit-il, des timbres valant 30, 40 ou 50 francs, constitue une réelle et inutile imprudence, car très souvent ces timbres disparaissent. J'en ai malheureusement fait l'expérience et j'ai juré que l'on ne m'y reprendrait plus. Je n'exposerai plus des timbres de valeur à la convoitise des autres. Et d'ailleurs, qui le fait ? Pour ma part, j'ai rarement vu un timbre de grosse valeur, c'est-à-dire de prix élevé sur une lettre ou envoi postal quelconque. J'ajouterai même que pour les séries de charité, bienfaisance, tuberculose, etc., peu de ces timbres sont employés, sauf ceux des ports ordinaires. Ce sont les philatélistes qui constituent les clients les plus importants, si pas les uniques, des timbres à prix élevés.

Nous n'y pouvons rien. L'Administration nous a appris à nous tenir sur nos gardes. Nous sommes les victimes des émissions en masse, qui nous demandent tant d'argent que nous devons prendre nos dispositions pour obtenir les timbres en bon état. (…) Pour conclure, si l'on émettait des timbres moins souvent, et sans en faire un commerce dont ce sont toujours les collectionneurs qui supportent les conséquences, toutes ces polémiques ne surgiraient pas. Et la preuve, c’est qu’elles n’existaient pas il y a 30 ans, et que idée, en ce temps, ne serait venue à personne de faire oblitérer un timbre « complaisamment ».
G. CAUCHETEUX.” (Balasse Magazine n°45, juin 1946)
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Taxe n° 6 - 30 c. noir - neuf* - TB - signé Calves - 85 euros
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Bonjour,
L'article de 1946 n'a pas pris une ride. Nous pourrions lire en 2025 un tel article dans une revue Philatélique. Pour moi, le plus important est que chacun choisisse sa collection (timbres neufs ou timbres oblitérés) comme bon lui semble ! Chacun ses goûts !
Cela dit, le "regommage" est une plaie et souvent assez difficile à repérer (quand c'est bien fait). Pour ma part, j'ai décidé dès ma jeunesse de ne collectionner que les timbres oblitérés, cela m'évite de me faire avoir par ces faussaires.
Cela m'a même permis de me spécialiser sur les oblitérations des classiques (n°1 à n°60) de France. Cette collection est passionnante et beaucoup d'oblitérations sont rares, voire très rares.
Qui a l'oblitération Grille sur le n°17 ?
Qui a l'étoile rouge sur le n°17 ?
Qui a l'étoile bleue sur le n°17 ?
Qui a toutes les étoiles chiffrées sur les Bordeaux autre que le n°46 ?
Qui a toutes les étoiles chiffrées sur le n°50, n°51 ou le n°52 ?
Je pourrai continuer la liste qui serait très longue ..
Bien cordialement
Gilles