Il n’existe pas de meilleur moyen de parfaire sa culture philatélique qu’en se plongeant dans la lecture de la presse et des publications anciennes, dans lesquelles se trouvent quantité d’informations précieuses et érudites.
C’est la raison pour laquelle nous republions chaque semaine une pépite issue de la littérature et que nous la partageons avec vous via notre newsletter.
Si cet article vous intéresse, n’hésitez pas à le commenter, à le “liker” ou, mieux encore, à le transférer à d’autres philatélistes ou à le partager sur vos réseaux.
Notre newsletter a également vocation à vous tenir informés de nos actualités, telles que les dates de nos ventes flashs ou nos participations à des salons, mais aussi à vous donner des “trucs d’expert”. Lisez-la régulièrement pour ne rien manquer !
Nouveau dans notre sélection de l’expert :
Poste aérienne n°15b - burelage renversé - neuf** - SUP - avec certificat papier Calves - 425 euros
Jérusalem - n°2 - neuf** - SUP - signé Calves et Brun et avec certificat Calves - 195 euros
Escroqueries d’hier et d’aujourd’hui
Nous vous parlions dans une précédente newsletter des importantes saisies de timbres contrefaits chinois réalisées par les douanes. Force est de constater que cela n’a pas découragé les revendeurs : nous avons en effet été informés de l’apparition d’un site Internet, rédigé en français, écoulant cette production. Comment savons-nous que certains des timbres de ce site sont des contrefaçons chinoises ? C’est simple : on y trouve les timbres “Dewoitine” portant le numéro de feuille 01202 — un indice imparable que nous avons déjà évoqué, permettant d’identifier à coup sûr les faux. Pour ne pas lui faire de publicité, nous ne mentionnerons pas ici le nom de cette boutique en ligne. Mais nous vous invitons, une fois encore, à faire preuve de la plus grande vigilance : l’utilisation de faux timbres est passible de lourdes sanctions judiciaires. Ceci dit, cette affaire nous a donné envie de plonger dans les archives de la presse philatélique pour y retrouver quelques anecdotes d’escroqueries du passé — parfois étonnantes, souvent inventives, et même, il faut bien l’avouer, un brin sympathiques. Notre sentiment ? Les escrocs des XIXe et XXe siècles avaient plus d’imagination que ceux du XXIe. Bonne lecture !

Faux de France fabriqués et vendus en Italie, par L. Castagna. Article paru en 1947 dans La Quinzaine philatélique n°33.
“Très peu nombreux doivent être les marchands et collectionneurs italiens qui sont au courant des faux timbres français fabriqués et vendus à Turin et à Naples pendant l'été passé.
Précisons : il ne s'agit pas de « faux timbres », mais d'une fausse surcharge tout-à-fait de fantaisie, comme on peut le voir ci-après.


Le mystificateur, évidemment bien peu connaisseur, profita des nouveautés parues en mai et juin 1947 en France pour mélanger, parmi les « Louvois », les « U.P.U. », etc., quelques dizaines de feuilles de ces timbres. Son but était sûrement de se faire une petite somme pour passer ses vacances à la mer ou à la montagne, étant donné que le cours du franc français dans les mois en question était très élevé en Italie: 1 fr. égalant 3 lires 20.
L'intéressé fit apposer la surcharge + 10 (frs) sur les timbres-poste. Comme les timbres-poste français, principalement les nouveautés, sont toujours bien accueillis par les marchands italiens, la vente de ces timbres mêlés aux vraies nouveautés lui parut d'un écoulement facile, surtout si les hommes de bonne foi sont aussi ingénus que je l'ai été en la circonstance !
Le mystificateur se présenta donc à mon bureau, envoyé par je ne sais qui. Il avait un fort accent étranger, très sympathique, 25 ans environ ; il était petit, brun de peau et de chevelure et détenait un classeur bien fourni en timbres-poste de France, de Monaco et de Yougoslavie.
Sans trop y penser, et en même temps sûr de pouvoir donner à mes clients des nouveautés intéressantes, car l'individu m'assura être arrivé à Turin le matin même, et n’avoir encore visité personne, j'ai acheté un bon nombre de timbres en lui donnant de l'argent et des séries complètes de Roosevelt qui me coûtaient 3.500 lires chacune. En tout, je lui en cédai pour une valeur de 65.000 lires. Ce ne fut que quelques heures plus tard qu'en regardant les nouveautés le doute me prit, ne trouvant pas normale une surcharge de 10 frs sur un timbre français hors-cours (…).
Mon doute devint certitude quelques heures après, lorsque, ouvrant mon courrier, j'eus la surprise de voir les mêmes timbres dans une enveloppe provenant de Naples, d’un de mes correspondants, qui m affirmait avoir, lui aussi, acheté dernièrement 500 pièces des mêmes timbres à raison de 30 lires le timbre ! Il me demandait des renseignements à ce sujet, sachant que j'étais toujours au courant des dernières émissions françaises, grâce à mes fréquents voyages en France.
J'acceptai ce coup du sort, mais décidais mordre tous renseignements possibles sur cet individu et ses timbres.
Pendant les vacances, donc, soit par téléphone, soit personnellement, j'ai visité sans me lasser les trente-huit imprimeurs de Turin. Mon enquête ne donna rien, mais j'avais gardé l'espoir de découvrir quelque bande de faussaires intéressante. Je ne perdis pas courage.
Un jour, ou je m'étais rendu dans une imprimerie des environs de Turin, dont la direction appartient à un ordre ecclésiastique, je découvris le pot aux roses : un individu dont le signalement correspondait à celui de mon visiteur était venu la et fit faire un cliché + 10 frs. Le directeur me donna pour seule explication son livre où il prenait note des commandes et, à mes questions, il me répondit que l'individu en question lui avait déclaré qu'il s'agissait d'une surcharge à mettre sur des billets de bienfaisance pour une fête au profit des tuberculeux.
L'adresse laissée par « mon client » et son nom étaient naturellement faux. Que faire ? Espérons que le cas inverse ne se présentera pas pour la France ! (…) Il faut que les faussaires de timbres-poste soient sévèrement punis, pour le plus grand bien de la philatélie en général, et des collectionneurs en particulier.”
Extrait des Mémoires de Georges Brunel, parus en 1946-48 dans la Quinzaine philatélique.
“Voici, maintenant, une curieuse affaire dont les journaux de l'époque s'occupèrent et qu'on peut dénommer : de la sublimité dans les escroqueries philatéliques !
Un jeune Italien d'une dizaine d'années se présente, vers les onze heures, en juin 1897, chez un charcutier rue Saint Lazare, et fait un petit achat de trois ou quatre francs. Il avait sous son bras un bel album Maury et, pendant qu'on le servait, il l'avait ouvert et semblait se complaire dans l'examen de ses timbres. Au moment de payer, il fouille dans ses poches et s'aperçoit qu'il n'a pas d'argent. Il propose au charcutier de lui laisser son album en gage et lui montre qu'il est bien garni de vignettes. Comme le jeune enfant avait bonne mine, le charcutier accepte, livre la marchandise et pose l'album, rutilant de dorure, sur son comptoir.
Quelques instants plus tard, un coupé s'arrête devant la boutique, en descend un gentleman du dernier chic qui choisit un pâté, du foie gras, enfin des choses chères ; il fait une facture d'une cinquantaine de francs. Il presse le charcutier de faire son paquet, car il prend le train du Havre. Au moment de payer, il pose un billet de cent francs, puis voyant l'album, il dit au négociant :
- Tiens, vous faites collection de timbres, vous aussi.
Et il ouvre les pages ; il paraît émerveillé et dit tout haut :
- C'est extraordinaire ce qu'il y a de timbres rares là-dedans. Si vous voulez vous défaire de votre collection, je suis acheteur pour dix mille francs.
Le charcutier étonné, lui confie que cet album a été donné en garantie et que le jeune homme va venir le chercher.
- Tâchez de vous le faire vendre et apportez-moi la collection au Grand Hôtel, où je serai à partir de demain soir. Voici ma carte ; et il tend un bristol sur lequel on lisait en belle anglaise : « Comte de Malespert, consul général, officier de la Légion d'honneur ».
Le comte ramasse sa monnaie, remonte dans son coupé et disparaît.
Voilà la fin du premier acte.
Vers midi, le jeune homme revient porter le prix de ses acquisitions et réclame son album.
- Tu ne voudrais pas le vendre ? dit le charcutier ; j'ai une nièce qui fait collection et je voudrais lui faire un cadeau.
- Oh ! non, monsieur, dit l'enfant. Cette collection m'a été donnée par mon père, qui est mort il y a longtemps, et je cherche au contraire à la compléter.
- Mais si je t'en donnais cinq cents francs, par exemple ?
- A n'importe quel prix, je ne pense pas que ma mère consente à s'en défaire.
- Va dire à ta mère que j'en donne mille francs ; c'est une somme cela.
- Je veux bien aller lui demander, mais je ne crois pas qu'elle acceptera.
Le jeune homme s'en va, laisse l'album, qui est copieusement feuilleté en son absence.
Quand il revient, la réponse est négative. Grand désespoir du charcutier, qui ne voudrait pas manquer cette bonne affaire. Après des tergiversations, il finit par offrir jusqu’à deux mille francs ! L’enfant parait médusé par cette somme et il retourne chez sa mère. Quand il revient, il porte ce mot : « J’accepte, monsieur, de vous céder ma collection, car je ne suis pas riche ; vous pouvez remettre l'argent à mon fils, très sérieux et qui en aura besoin, car je suis alitée. »
Le charcutier donne quatre billets de cinq cents francs ; l'enfant les met dans sa poche et lui dit :
- Je suis bien triste de me séparer de cette belle collection.
Pour le consoler, le négociant lui remet un superbe pâté aux alouettes et lui dit :
- Tu le partageras avec ta maman.
Fin du deuxième acte.
Le lendemain soir, vers les six heures, habillé comme s'il était garçon d'honneur, il se rend au Grand Hôtel où il apprend que le comte est totalement inconnu. Il ne se démonte pas, il y retourne le lendemain, le surlendemain, et toujours la même réponse. Alors il lui vient une peur bleue. Il va chez Maury, tend l'album et demande ce que vaut cette collection en lui racontant ce qui vient de lui arriver.
L'employé rit dans sa belle barbe, et a déjà deviné ce dont il s'agit. Il ouvre néanmoins l'album, le feuillette et bientôt part d'un éclat de rire.
- Vous avez été volé, cher monsieur. Il n'y a pas pour cent francs de timbres, tout le reste est composé de faux timbres de la vieille fabrication Lévy !
Il fallut vivement avancer un siège au malheureux charcutier, pour qu'il ne tombe pas en défaillance.
Fin du troisième acte.
Par la suite, quelques journaux racontèrent l'aventure et, ce qui était plus fort, c'est que le charcutier ne pouvait se plaindre, puisqu'il avait insisté outre mesure pour se rendre acquéreur de cette collection que l'enfant ne voulait pas vendre !
Tout Paris défila chez le charcutier, moi comme les autres, et ma foi, il prit son parti de rire, car la clientèle qui lui vint par cette histoire compensa sa perte. Mais, par exemple, il ne dit pas s'il avait envoyé l'album à sa nièce !”
Et pour finir, Les faussaires arrêtés, article publié en 1946 dans l’Echo de la Timbrologie.

Nouveau dans notre sélection de l’expert :
Dans notre article sur le premier timbre-taxe français, nous avions lancé un appel au sujet de l'affiche imprimée par l’Imprimerie impériale en mai 1859, annonçant la généralisation de l’usage de timbres-taxe à compter du 1er juin suivant. Nous n’en avions alors trouvé aucun exemplaire. Nos remerciements vont à M. Hennes, de Paris, qui nous a présenté le sien, permettant sa reproduction ci-dessous. Comme souvent, le timbre imprimé sur l’affiche a été découpé, puis remplacé ultérieurement.
Nouveau dans notre sélection de l’expert :
N°YT 126 - Mouchon - piquage oblique par pliage - neuf* - TB - signé Brun - 125 euros
Radiodiffusion n°1 à 3 - neufs** - SUP - signature Calves - 95 euros
Merci beaucoup. De quoi agrémenter une prochaine réunion philatélique !
Rocambolèsque et rafraîchissante histoire du charcutier victime de sa cupidité... Dommage que la photographie relative aux faussaires arrêtés ne soit que partiellement lisible.